Un avant-bras coupé, rejeté sur ses rives par la rivière Xiang. Un enquêteur à l’air grave et absorbé, parfois même abattu, mais attentif et empathique, incarné par le réalisateur lui-même, Zu Feng. Son chef, le commissaire Lei (Minghao Chen), séducteur désinvolte, qui ne croit pas aux annonces de grossesse de ses conquêtes délaissées mais se montre solidaire et secourable envers ses collègues masculins. Puis l’univers médical. Celui d’une femme médecin singulièrement hermétique (Lu Huang), qui s’avère être la grande sœur du disparu dépecé. L’amant discret de celle-ci, également médecin, homme en apparence gentil mais passablement inconsistant...
Sous un titre français aux allures anodines, se contentant d’associer une saison et un lieu, l’acteur-réalisateur, suivant le scénario de Yang Zhou, glisse de l’intrigue policière, finalement assez vite résolue, au film psychologique, qui s’étire au-delà de l’enquête, entrecroise puis noue les différents destins qu’elle a mis en présence ; et s’intéresse, fait rare, à ses suites.
Car, bien au-delà d’un questionnement sur les faits, là réside toute l’interrogation du film : comment faire pour survivre à son passé, comment s’arranger avec lui, pactiser avec lui, afin qu’il permette que le présent soit supportable, vivable, tout simplement vivant, et non otage des griffes de mort qui l’enserrent ? De même que l’enquête aura conduit à remonter dans le passé douloureux, car lourdement endeuillé, de divers protagonistes, l’avenir, dépourvu d’évidence, s’inscrira comme naturellement dans les enjeux posés par l’intrigue.
Le jeu, très subtil et sensible, des acteurs, se déploie dans la très belle lumière, à la fois vive et discrètement brumeuse, des plans de Jeffrey Chu. Se fondant dans cette délicatesse, la musique de Yingda Dong fait tardivement son entrée, pour ne réapparaître que sporadiquement, sans jamais souligner les événements à grands traits. Et c’est ainsi que, au fil d’un temps dont l’écoulement ne pèse pas, on verra la rivière ne plus seulement délivrer des messages de mort, mais recevoir la vie frétillante déversée par un singulier groupuscule bouddhiste libérateur d’animaux captifs ; ou encore la vie, ténue mais bien présente, se donner à entendre à celui qui voudra bien la recueillir, l’oreille plaquée contre un ventre...
Une véritable odyssée du deuil, en somme, à la fois crépusculaire, sombre, authentique et lumineuse.