A 95 ans, c'est possiblement le dernier film de James Ivory. Et, même si on lui souhaite encore une longue vie, ce serait parfait pour conclure sa carrière en beauté, tant ce film aux allures de testament est l'un des ses plus beaux et de ses plus émouvants. C'est un documentaire sur un documentaire jamais fini, sur le papier on peut faire plus glamour, mais le résultat est bouleversant. Au début de sa carrière, le jeune James Ivory est envoyé en Afghanistan, avant les Talibans, les Russes et les Moudjahidine pour y réaliser un film documentaire qu'il ne terminera jamais. Plus de 60 ans plus tard, alors qu'une vie de cinéma s'est déroulé entre les deux dates, il retombe sur ces bobines et les montre enfin. Les images sont merveilleuses, bouleversantes d'une vérité qu'on ne connaitra jamais puisqu'elle a définitivement disparu. En faisant cet acte, Ivory fait littéralement revivre un temps disparu, oublié, supposé immontable. C'est un geste de cinéma immense. Mais James Ivory ne se contente pas que de ça. Cette plongée dans son passé est l'occasion pour lui de remonter tout le début de sa carrière, la moins connue et l'une des plus passionnante, soit sa période Indienne où il alterna documentaires et fictions, toujours dans une recherche de la vérité ontologique saisissante. C'est aussi un film qui retrace la vie de Babur, Prince puis Empereur Moghol du 16ème siècle, connu pour être avoir pris la ville de Kaboul. Cet Empereur a laissé des écrits dans lesquels il apparait un fin connaisseur des arts, et laisse aussi échapper entre deux lignes des attirances physiques pour le sexe masculin. C'est l'occasion idéale pour James Ivory de faire le parallèle avec sa vie et d'évoquer, je crois pour la première fois de manière frontale dans son œuvre, sa propre homosexualité. Il se livre avec une honnêteté et une simplicité absolument bouleversante, contribuant à faire de ce film bien plus qu'un simple documentaire sur une exhumation d'archives, mais l'une des oeuvres les plus émouvantes de ce début d'année.