La construction d’une œuvre et sa réception par celui qui la contemple est du ressort de l’alchimie : il existe bien une formule, reste à savoir si le mélange et ses effets vont être opérants. C’est particulièrement vrai pour l’ultime film de Melville. Comment expliquer que cet opus, qui semble en tous points fidèle à l’œuvre qui précède, soit à ce point inefficace ?
Tout d’abord, peut-être parce qu’on ressent particulièrement le désir de nous resservir une recette qui a fait ses preuves. Mêmes thèmes, mêmes motifs, avec ceci de dérangeant qu’on fait dans la surenchère. Pour le casse, cette fois, un hélicoptère accostera un train. Hormis le fait que les effets soient assez mauvais (bonjour les maquettes et les fonds peints dans d’autres séquences) c’est surtout l’exagération de la maitrise passée qui dérange. Beaucoup trop longue, cette séquence semble au mieux un pastiche raté, au pire une auto caricature. Le temps réel dans les toilettes du train est à ce titre symptomatique : ce plan séquence est vain, il s’étire sans apporter quoi que ce soit, si ce n’est l’affirmation démesurée d’un « Melville est aux commandes, ne l’oubliez pas ».
Les personnages fantomatiques ne fonctionnent pas, Deneuve en tête, et les recherches visuelles (miroirs au plafond, plan séquences dans des voitures) ont tout d’une tentative vaine d’ajouter du plastique là où le fond pèche. Même la musique, un jazz de seconde zone, est médiocre.
Ajoutons à cela un message finalement assez trouble quant aux motivations psychologiques de Delon, super flic qui gifle et moralise les travelos, torture pour obtenir des noms, laisse se suicider les suspects ou les flingue sans sommation. S’il s’agissait de montrer la solitude de l’homme de loi et son écart de la vie quotidienne (ce à quoi semble faire allusion l’idylle avortée avec Deneuve), c’est aussi grossier que rance.
On aurait aimé pouvoir considérer Un flic comme un raté dans l’œuvre de Melville, qu’on se serait empressé d’oublier. Le fait que ce film soit le dernier de sa carrière est d’autant plus regrettable.
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