Train d'ennui pour Lisbonne
Ah si le film s'arrêtait dix minutes après le générique, on ne serait pas loin du chef-d'oeuvre : une ville fantôme, tout en béton, près de la mer déchainée, la pluie, le brouillard, une petite agence bancaire perdue dans la tourmente, quelques hommes en imperméable... aussi glacial qu'un Hammershoi, aussi abstrait qu'un haiku, aussi répétitif qu'un bon vieux Arvö Part, Melville est dans la place...
Hélas ! le film continue et ne décolle jamais. Trop glacial (on dirait le film habité par une armée de morts-vivants), trop abstrait (aucun personnage n'arrive à éveiller la moindre étincelle d'intérêt), trop répétitif (c'est louable de faire du temps réel, mais l'appliquer à un gars qui prend dix minutes à se changer dans des toilettes, non franchement ça n'a pas beaucoup de sens), Melville ne subjugue plus, il lasse. Hélas !
Peut-être faut-il voir là l'adieu aux armes d'un réalisateur qui sait que son temps est compté, et qui épuise jusqu'à l'absurde les codes d'un genre qu'il avait contribué à forger. Un cinéaste à bout de souffle qui ne filme plus que des décors, des bruits, des gestes mécaniques, comme s'il était bien décidé à ne laisser derrière lui qu'un terrain vague à la mort qui arrive. Un testament vide, en somme, histoire de se venger.