Fahradi semblait depuis plusieurs films sur une pente descendante, recyclant ses thèmes et jouant la carte d’un certain exotisme avec un assurance et une paresse grandissante jusqu’au soap assez honteux que fut Everybody Knows. Un héros le voit se ressaisir, revenir au pays pour un récit dont il a le secret et la maitrise, mélangeant thématiques sociales et idéologiques à un thriller d’une efficacité redoutable.
Le héros en question est un détenu pour dette non remboursée, qui se voit régler un dilemme face à un sac d’or trouvé opportunément : le rendre à sa propriétaire ou l’utiliser pour régler ses comptes et sortir de prison. Le fait d’avoir opté pour la première solution fait de lui un homme d’honneur qui attire l’attention des médias, et enclenche un mécanisme tragique : tout ce qu’il a fait se retourne contre lui. On lui reprochera de se faire le complice de sa prison, voire de la communication du pays entier, tandis que les demandes de preuve de son acte se heurteront aux questions du statut de la femme, celle qui n’a pas encore le droit d’être officielle, et l’autre qui agit sans l’autorisation des hommes de la maison pour mettre à l’abri la fortune familiale.
(Spoils à prévoir)
La mécanique est huilée à la perfection, même si quelques béances laissent songeur, comme celle des vérifications tardives par la prison et des médias sur ce qui s’est réellement passé. Fahradi parvient intelligemment à faire de son personnage un pivot de toutes les problématiques de son pays, y ajoutant la dimension contemporaine des réseaux sociaux, du tribunal médiatique et des vidéos compromettantes.
Cette virtuosité finit néanmoins par poser problème. Dans les premiers films de Fahradi, et notamment Une séparation, l’intérêt des dilemmes résidait dans l’ambivalence des situations et l’imperfection très humaine des personnages. Ici, notre héros est avant tout une victime : chacun des situations met en valeur son sens de l’honneur (même sa peine initiale de prison est due à un associé véreux), et chaque tort est le résultat d’un acte de protection ou d’une injustice. Faire du personnage un martyre déshumanise l’enjeu, et Fahardi ne peut s’empêcher d’appuyer la démonstration, notamment autour du dilemme posé à l’association qui doit choisir entre le protagoniste et un condamné à mort, ou le personnage du fils bègue, qu’on met en scène pour susciter la pitié, et qui se retourne contre son père lorsqu’il comprend son souhait de remariage. Si l’effet est saisissant, il semble être l’unique finalité du récit : on aura certes subi l’immersion dans une société inique, inégalitaire et sclérosée par des valeurs qui asphyxient, mais ce qui reste, c’est bien le talent presque sadique avec lequel le scénariste verrouille savamment chaque issue. Le très beau plan final sur l’embrasure de la prison vue de l’intérieur et le poste de garde, dans l’attente du retour en cellule, atteste d’une capacité de Fahradi à la lenteur, à la construction du cadre et à un peu de silence : il serait salutaire qu’il les privilégie à l’avenir, pour d’autres objectif que l’emprisonnement de ses personnages.