Asghar Farhadi confirme avec Un Héros son statut de maître du thriller social. De retour en Iran après l’expérience espagnole Nobody Knows, il livre une fable moderne et incisive sur le rapport à la notoriété.
Le Héros du film, c’est Rahim, cet homme emprisonné pour une dette non réglée qui, lors d’une permission de deux jours, tente de prouver sa bonne foi et obtenir sa rédemption. Si on ne cerne pas tous les enjeux immédiatement (une des marques de fabrique de l’écriture de Farhadi), on devine les zones d’ombre, les non-dits. Alors que Rahim réalise un geste en apparence purement altruiste, son passé va le rattraper et il va être pris dans un engrenage inattendu et délétère que les médias et les réseaux sociaux vont exacerber. Leur influence assez récente en Iran est parfaitement exploitée par le réalisateur qui s’en sert pour accentuer la suspicion sur le comportement de Rahim et faire monter la tension générale.
Ce n’est pas une surprise lorsqu’on connaît le travail de Farhadi, mais la narration est d’une précision redoutable, la moindre action ayant de lourdes conséquences sur les suivantes. On est happés par le récit, accrochés au besoin de savoir ce qui va se passer ensuite, de découvrir les petits secrets qui se cachent derrière ce qu’on vient d’observer alors que le doute plane sur qui et quoi croire.
Car tout passe par des personnages minutieusement travaillés et d’une formidable richesse. Leur traitement n’est jamais manichéen. Personne n’a jamais vraiment tort ou tout à fait raison. Ils sont simplement humains, vrais, mus par des intérêts personnels et la volonté de protéger leurs proches, parfois avec naïveté ou une certaine mauvaise foi. La somme de tous ces intérêts contraires crée un contexte explosif propice à faire ressortir des vieilles rancœurs.
La mise en scène est en cela d’une précision d’orfèvre. Faradhi filme ce qu’il faut, comme il faut, quand il le faut, le temps qu’il le faut. Ses plans sont construits comme des tableaux, ses scènes de groupe sont maitrisées à l’extrême. Et toujours au service de son histoire, sans jamais être ostentatoires.
Amir Jadidi prête à Rahim son regard doux et fiévreux et traduit admirablement la confusion et les contradictions de ce héros déchu qui se trouve malgré lui pris au piège d’une spirale infernale.
Il est le visage de ce conte moral saisissant et limpide au suspense implacable.
Un Héros est aussi la démonstration de l’épatante constance d’un cinéaste délivrant tel un métronome des masterclass tous les deux ans. S’il lui manquait certaines cases à cocher pour obtenir la Palme d’Or à Cannes cette année, son Grand prix du jury en a quand même furieusement la couleur.