J'aurais dû aller me coucher...

Je voulais aller au lit, je le jure... et voilà que je me suis retrouvé à minuit à regarder un film révisionniste en me faisant royalement chier. Si je suis bien entendu contre la loi Fabius-Gayssot pour des raisons qui me semblent assez évidente, comme le fait de laisser les historiens faire leur travail et qu'il me semble que l'article 10 de la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen dit exactement : "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi." Après certes on peut jouer sur les mots, mais franchement je ne vois pas un historien troubler l'ordre public, tout le monde s'en fout (à tort, sans nul doute) de l'Histoire.

Alors Un Homme n'est pas un film "scientifique", bien que Faurisson expose ses thèses, je ne suis pas historien, mais si l'Histoire fonctionne comme fonctionnent les sciences dites dures il faut démontrer, expérimenter, ce qui n'est pas le cas ici. En gros c'est un peu le révisionnisme pour les nuls. Donc si je trouvais le film de Lanzmann assez critiquable dans sa démonstration, c'est également le cas ici. Je ne sais pas si le but est de convaincre que Faurisson dit la vérité, de parler juste de Faurisson pour montrer qu'il est persécuté, que ce n'est pas un monstre, ou si c'est juste un gros bordel pas forcément très cohérente (je pencherais pour la dernière option).

En fait c'est le souci du film, il n'a pas d'approche de la question qui soit réellement intéressante ou cohérente. On a plein de sous-parties où Faurisson peut raconter son enfance, son agression, ses déboires avec la justice, parler des plans qu'il a des prétendus (sic) fours crématoires, etc. Alors peut-être que je suis trop cartésien mais j'ai du mal à voir la logique là-dedans. Alors certes Faurisson se fait agresser pour les thèses qu'il développe, mais ce n'est pas en les présentant là, vite fait, en critiquant un plan qu'on va être convaincu qu'il a raison.

J'ai l'impression que Blanrue voulait surtout le montrer comme un homme (d'où le titre), un peu comme lorsque Faurisson montre des images de nazis avec leur famille, afin de prouver (?) que malgré tout ce qu'on peut dire, ce qu'il ont pu faire et bien ça restait des êtres humains. Et pourquoi pas ? Je ne vois pas Faurisson comme le grand Satan, mais il y a bien trop de connivence entre Blanrue et Faurisson pour présenter quelque chose d'un temps soit peu objectif ou de factuel.

En plus niveau mise en scène, documentation, c'est réellement n'importe quoi, on n'a rien pour contrebalancer, pour expliquer, on a juste Faurisson qui parle en plan fixe dans des endroits qui changent tout le temps, sans raison, sans réelle cohérence d'ensemble. Disons que ça ne fait pas pro du tout, bien au contraire. Ce qui rend le truc assez pénible à suivre et qui fait qu'on peut très bien mettre ça juste en "audio", une belle négation de cinéma.

C'est gênant quoi.

Cependant il y a deux passages que j'ai trouvé intéressants, un au tout début du "film" où Faurisson explique qu'un fois qu'on a gagné la guerre, ce n'est pas parce qu'on a gagné la guerre qu'on n'a pas commis d'exactions (sous entendu l'Histoire est écrite par les vainqueurs) et pour avoir vu Berlin Express tourné dans les ruines de la ville de Frankfurt-am-Main, ça glace le sang... Tout ça pour dire que ce n'est jamais tout blanc ou tout noir.

Le second passage que j'ai trouvé intéressant concerne le film Shoah de Lanzmann où Faurisson dit avoir retrouvé le fameux conducteur de train qui témoignait et qui lui aurait avoué qu'en fait à l'époque il ne savait pas qu'il conduisait les juifs à une mort certaine, ce qui change pas mal de choses et qui fait de ce conducteur un témoin a posteriori. Alors ça ne veut pas dire que ce qu'il raconte n'est pas intéressant pour apprendre des choses sur la déportation, mais ça n'est pas une preuve de la volonté nazie d'exterminer les juifs.

Ce qui n'en fait pas un bon film non plus, c'est très amateur tant dans le fond que sur la forme, c'est pénible à regarder... et rien que le dispositif est assez gênant, ce n'est pas un vrai travail d'investigation, ni pour savoir si les révisionnistes ont raison (de toute façon le réalisateur en semble convaincu), ni sur Faurisson puisqu'on n'interroge que lui... Alors je veux bien que Rousseau tente d'écrire sa vie dans tous les détails et de rien occulter, Faurisson j'ai quand même plus de doutes. Ce qui donne un truc assez long et inutile... Dans le genre documentaire contesté le mystère des pyramides ou je sais plus quoi avec les pyramides alignées partout dans le monde et le sphinx comme horloge cosmique était quand même bien plus rigolo.

Bref l'ennui nous fait regarder des trucs étranges... trucs étranges qui ne nous font même pas arrêter de nous ennuyer.