Le malheur des nains fait le bonheur des autres

Un soir, Diane (Virginie Efira) reçoit un appel d’un certain Alexandre (Jean Dujardin) qui, ayant trouvé son portable égaré, lui propose de prendre un café ensemble pour le lui rendre. C’aurait pu être le début d’une parfaite histoire d’amour, si Diane n’était légèrement gênée par le fait qu’Alexandre ne mesure qu’1m36… Et l’acceptation ne va pas être aussi facile qu’elle l’espère ! D'autant que son ex (Cédric Kahn) ne l'entend pas de cette oreille, et espère bien récupérer son ancienne copine, plutôt de la laisser aux mains de cet homme qui, selon lui, n'en vaut pas la peine...

Voir un thème aussi délicat que le handicap être abordé dans une comédie française avait largement de quoi faire peur. C’était toutefois sans compter sur l’écriture de Laurent Tirard, qui s’avère d’une étonnante finesse. J'ai certes entendu l’argument selon lequel le scénario serait complètement truqué, étant donné que quand on a le visage de Jean Dujardin, qu’on est aussi riche que son personnage l’est dans le film et qu’on est un architecte très réputé, c’est tout de même beaucoup plus facile de passer outre sa petite taille pour séduire de jolies femmes. Pourtant, Tirard contourne aisément ce défaut, puisque Alexandre et Diane appartiennent tous deux à la même catégorie sociale, ce qui rend tout de suite secondaire l’immense fortune d’Alexandre, puisque la relation entre les deux n’y est pas du tout liée, et nous épargne en outre les clichés inhérents à la romance impossible à cause d’un trop grand écart social.
Au lieu de cela, le récit nous propose donc une véritable réflexion sur le handicap grâce à une écriture très fine et une interprétation absolument exceptionnelle du duo Jean Dujardin-Virginie Efira, hallucinant de justesse. La justesse, on la retrouve à tous les niveaux, et on sait gré à Tirard de nous réserver quelques moments de drame bien pesés, qui arrivent toujours à point pour donner au film la profondeur nécessaire au traitement d’un tel sujet.
Ainsi, le personnage d’Alexandre est parfaitement croqué, assumant sa différence avec humour tout en souffrant de celle-ci. Car ce qui le dérange vraiment, ce n’est pas sa petite taille en elle-même (comme il le dit lui-même, il n’a connu que cela toute sa vie et a eu le temps de s’en accommoder), c’est de devoir souffrir toujours les regards des autres, qu’il soit méprisant ou bien indulgent (excellente scène où la mère de Diane essaye de discuter normalement avec Alexandre des problèmes liés à sa taille sous le regard horrifié de sa fille, pour qui c'est un sujet tabou). Mais finalement, c’est bien Diane qui craint le plus les regards. Car, malgré le fait qu’elle soit prête à accepter Alexandre comme une personne tout-à-fait normale, elle n’ose jamais assumer sa relation, craignant de se faire juger constamment par les autres. Ce qui finit par rejaillir sur Alexandre, ce dernier perdant sa confiance en lui-même – pourtant bien réelle – à cause des hésitations constantes de Diane. Difficile de retranscrire une relation aussi complexe à l’écran, mais par une écriture très rigoureuse et deux prestations magnifiques de la part de deux immenses acteurs (quand on voit la prestation de Jean Dujardin, on ne se demande plus pourquoi on n'a pas engagé un vrai nain pour ce rôle), Laurent Tirard réussit cet acrobatique tour de force, en s’épargnant presque tous les clichés du genre et en distillant une véritable émotion, à laquelle on ne s’attendait pas. Une recette finalement pas si compliquée : si seulement le cinéma français en tenait plus souvent compte…