Eclat noir
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le 10 déc. 2016
Une jeune femme (petite trentaine) se retrouve veuve à la suite d’un accident de la route ayant coûté la vie à son mari et à son frère. Mère de deux fillettes, des jumelles, elle a trouvé refuge chez sa mère (Susanna Pampin), apparemment veuve également. Nous sommes en Argentine, dans un milieu bourgeois (on a les moyens de rémunérer une bonne), à une époque (les années 60), soulignée négligemment par l’image (beau noir et blanc très élégant) et quelques éléments de décor : un changement de vitesse dans une voiture, quelques objets dans l’appartement.
La situation émerge progressivement. On apprend presque incidemment le prénom de la jeune femme, Luisa (Erica Luis, de dos sur l’affiche), alors qu’elle est reçue (après environ 15 minutes de projection) par l’associé de son mari dans leur étude. Celui-ci annonce qu’au vu des méthodes de travail pratiquées, il ne peut pas se permettre de lui apporter de meilleure aide qu’une maigre enveloppe. Plus tard, un dialogue entre la mère et la fille apportera quelques éclaircissements à propos de l’accident. De manière générale, le film présente des atmosphères feutrées sur un rythme lent.
Qui est l’homme charmant annoncé par le titre ? On imagine le mari disparu (chagrin pesant) ou bien le frère (contemplation de vêtements dans une armoire). En réalité, c’est celui que Luisa rencontre en début de film à une soirée mondaine qui se révèle être une réception de mariage. Luisa n’a pas le cœur à s’amuser (d’ailleurs, autour d’elle, la fête reste bien guindée). Elle devient la cible évidente d’Ernesto (Marcelo Subiotto) qui la repère alors qu’il discute avec d’autres hommes. Polie, Luisa l’écoute et danse gentiment avec lui (sur du jazz). A la maison, c’est tout-à-fait négligemment qu’elle annonce avoir rencontré un homme à cette soirée. Elle prétend ne pas le connaître et ne pas envisager de le revoir. Mais elle connait son prénom et il téléphone pour demander un rendez-vous.
Malgré quelques points communs (prénom, nationalité) Ernesto ne dégage pas le magnétisme d’un Che Guevara. Il a la cinquantaine, le front et le crâne bien dégarnis et sa splendeur date de l’adolescence (un titre de vice-champion de lutte gréco-romaine, vers 14 ans). Depuis, rien à signaler à part une belle situation lui permettant un magnifique appartement avec vue sur une grande avenue et un hippodrome. Derrière ses belles manières, se cache une volonté inquiétante, car après avoir obtenu un rendez-vous, il ne se contente plus de demander, désormais il commence ses phrases en disant « Je veux ».
Le générique de fin annonce que le réalisateur/scénariste (Ariel Rotter) dédie ce film à sa famille. On devine la transposition à l’écran de souvenirs personnels qui, pudiquement, resteront non formulés. Dans ces conditions, quel intérêt cette histoire (de femmes essentiellement) présente-t-elle pour nous spectateurs ? Puisque le titre concentre l’attention sur le personnage d’Ernesto, on note sa façon de faire avec Luisa et sa famille (il monte une véritable OPA : Opération Publique d’Achat), et on observe les réactions de Luisa. Elle voit bien qu’Ernesto met le paquet et on sent que cela l’agace au point d’envisager de l’écarter une bonne fois pour toutes. Ce que le réalisateur montre à sa manière (assez laconique), c’est la force de la pression sociale. On assiste ainsi à une scène dans un café où une certaine Nelly (Elvira Onetto) donne son avis positif sur Ernesto, confirmant l’encouragement donné par la mère. Étant donné qu’on ne connait pas le lien de Nelly avec la famille, voici ma réaction de spectateur : « De quoi je me mêle ? »
Le beau noir et blanc, l'élégance de la mis en scène et la fluidité de la narration donnent bien plus de charme au film qu’au personnage d’Ernesto. Un film qui se concentre sur quelques personnes d’un milieu aisé assez impersonnel (cela pourrait se passer à peu près n’importe où dans le monde), en gardant une importante part de mystère. Avec un minutage raisonnable (1h35) et quelques touches d’humour, voilà une production argentine qui mérite mieux que l’indifférence polie.
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Créée
le 5 mai 2016
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