Le nouveau film de Guy Ritchie, Un Homme en colère, se présente comme un remake du Convoyeur, de Nicolas Boukhrief, avec Albert Dupontel et Jean Dujardin. De fait, il est possible d’affirmer que nous avons là un remake fidèle à l’oeuvre originale, même si certains ajustements ont été accomplis.
La première différence notable est le personnage principal. Dans le film de Guy Ritchie, il est surnommé H. Lorsqu’il se présente au recrutement de l’entreprise de convois de fonds, il dit être un Britannique. Très vite, le doute va s’immiscer chez le spectateurs au sujet de ce protagoniste : regards trop insistants, répliques sarcastiques murmurées à l’insu de leur destinataire, et une attitude générale qui ne colle pas avec le boulot de convoyeur de fonds.
Tout cela est encore accentué par la réalisation. Décors sombres, musique anxiogène… Guy Ritchie parvient à faire transparaître à l’écran le caractère angoissant d’un métier où on peut se faire attaquer à chaque tournant de rue. Les assaillants peuvent se cacher derrière n’importe quelle identité, ils peuvent surgir derrière n’importe quelle personne croisée dans la rue. Bien entendu, l’angoisse provient de ces situations bien rendues, mais on sent aussi qu’il y a quelque chose qui cloche chez H.
Ce sera confirmé lors d’une scène d’attaque de fourgon. H, le personne qui n’a réussi ses tests d’aptitude que de justesse, se révèle être un tireur hors pair, un flingueur froid, méticuleux. Quelque chose qui ne correspond en rien à l’image qu’il veut se donner, et qui, en l’occurrence, constitue une différence de taille avec le personnage interprété par Dupontel dans le film original : H ressemble à un exécuteur professionnel.
C’est là que l’on peut affirmer que le choix de Jason Statham se révèle très judicieux. Il incarne très bien ce tireur froid et méthodique. On peut même penser que Guy Ritchie joue sur l’image de son acteur principal : on pense inévitablement au Transporteur ou à d’autres films d’action du même acabit dans lesquels Statham s’est fait une réputation ces dernières décennies. Mais si Ritchie renvoie Statham à son statut de héros de films d’actions écervelés, ce n’est que pour mieux en marquer la différence.
Pour mieux le comprendre, il faut parler de l’organisation du film.
Le Convoyeur avait un récit linéaire dans lequel surgissaient deux ou trois flashbacks.
Un Homme en colère possède une construction plus complexe.
Le film est divisé en quatre chapitres.
Laissons de côté le dernier chapitre, celui de l’action à proprement parler.
Les trois premiers chapitres sont là pour présenter les différents personnages, les “forces en présence”, pourrait-on dire. Cela permet à Guy Ritchie de densifier son film et d’étoffer son protagoniste. En effet, le deuxième chapitre nous montre un personnage qui est loin d’être le héros vertueux et irréprochable que l’on pourrait attendre. Si H paraît être un tueur froid, c’est qu’en effet, il a la mauvaise habitude de flinguer à tout-va. Et Guy Ritchie va instaurer une terrible ambiguïté sur son protagoniste, faisant de lui un personnage avec lequel on voudrait sympathiser (comme il se doit avec le personnage principal d’un film d’action), mais on ne le peut pas à cause de ses méthodes de boucher pour le moins violentes et expéditives.
Ainsi, on se rend compte que le premier chapitre, avec un Jason Statham en héros invincible, était un trompe-l'œil dissimulant un personnage ambigu et brutal (il faut aussi noter que cette ambiguïté s’étend également aux “forces de l’ordre” du FBI…).
Le troisième chapitre, quant à lui, va combler un vide qui était au coeur du film original de Boukhrief : il présente les braqueurs (parmi lesquels nous retrouvons avec plaisir Jeffrey Donovan, que les fans de la série Le Caméléon pourront reconnaître). Et eux aussi sont des personnages violents, brutaux. “animals, bad animals” nous dit le titre du chapitre. Des animaux sans morale et sanguinaires. En bref, l’affrontement se fera non pas entre un bon et des méchants, mais sous la forme d’un combat de prédateurs.
Tout est alors prêt pour laisser libre cours à cet affrontement dans le dernier chapitre…
Toujours sur le plan de l’organisation, Un Homme en colère est construit autour d’une scène originale qui est le centre autour duquel tourne toute l’action. Cette scène, présentée d’abord en pré-générique, sera revécue plusieurs fois au film du film, sous plusieurs angles.
Là où Ritchie s’avère malin, c’est que, dans son pré-générique, cette scène ne nous montre quasiment rien. Tournée en un unique plan-séquence depuis l’intérieur du fourgon, le réalisateur laisse l’essentiel de l’action de dérouler hors du cadre.
Tout cela tourne Un Homme en colère vers le néo-noir, et non vers le film d’action basique. Une fois de plus, répétons-le : ceux qui croiraient voir ici un Jason Statham façon Fast and Furious en seront pour leurs frais. Un Homme en colère mise plus sur l’ambiance, l’atmosphère noire et brutale.
Pour ce faire, Guy Ritchie adopte une réalisation inhabituellement sobre (selon ses critères). Loin de ses extravagances habituelles, il fait un film posé et sombre. Un jolie réussite dans son domaine.
[article à retrouver sur LeMagDuCiné]