Le début de carrière de Claude Lelouch oscilla entre la catastrophe commerciale et l'échec nuancé par quelques bonnes recettes ou appréciations. Le cinéaste s'essaie alors aux scopitones (l'ancêtre du clip) où il aligne de grands succès ; cette expérience est responsable de l'importance de la musique dans son œuvre. Après avoir essuyé un refus pour la sortie en salles des Grands moments, Lelouch met en chantier Un homme et une femme. Il peine à trouver des fonds mais le soutien de Jean-Louis Trintignant débloque bientôt la situation.
Récit à la fois éthéré et terre-à-terre, plein de poésie, Un homme et une femme montre tout ce que sera Lelouch : l'essentialisme gentillet, la gratification par les petites fulgurances et les belles choses de la vie, l'intelligence visuelle, l'écriture minimaliste et limpide. Au plus dur des confessions, c'est Pierre Perret avec de grands sentiments, une douceur rare ; une vraie finesse aussi. Ce cinéma est sentimental au dernier degré, d'où le mépris ou l'indifférence catégoriques qu'il peut inspirer. Pourtant, en-dehors de la musique omniprésente, le style Lelouch est sobre. Sa contenance réelle, mûre mais vénielle, s'extériorise par le biais des dialogues et monologues intérieurs, emprunts de philosophies innocentes ou d'idéaux sur l'art de vivre.
Un homme et une femme connaît un succès immense et international. Il obtient la Palme d'or à Cannes et attire Hollywood. Lelouch déclinera des propositions alléchantes pour garder la maîtrise de son art, à une échelle (courte) qui lui convient. En ce sens il s'accorde effectivement aux fantasmes de la Nouvelle Vague et sa « politique de l'auteur ». Cependant avec le recul il n'est pas étonnant que Lelouch se soit dissocié du mouvement auquel on l'assimilait ; la suite de sa carrière démontrera sa non-appartenance profonde. Un homme et une femme arrive à la fin de cette ère de la Nouvelle Vague (un an après Pierrot le fou) et Lelouch n'a pas les prétentions ni les théories de ses homologues, alors en train de se déchirer.
Après cet espèce de Marienbad ingénu, Lelouch s’épanouira en emportant avec lui le grand-public, notamment grâce à Vivre pour vivre, L'aventure c'est l'aventure, La bonne année (admiré par Kubrick) ou Itinéraire d'un enfant gâté. La suite d'Un homme et une femme, Un homme et une femme : vingt ans déjà sorti en 1986, ne rejoint pas la liste des succès et fait partie des regrets de Lelouch (avec notamment le film de commande La femme spectacle, à ses débuts en 1964).
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