Pierre Niney a eu 26 ans en mars 2015 et en a profité pour annoncer qu’il quittait la Comédie Française, petit coup d’éclat de l’acteur providentiel du moment. Le comédien a également fait parler de lui cette même année en recevant un César du Meilleur acteur pour son rôle dans Yves Saint-Laurent. Autant de petites actualités, associées à un jeune âge et à un physique de jeune premier, qui en font clairement Un homme idéal pour une sortie en salles. Dans le film, Pierre Niney, incarne un autre jeune homme de 26 ans, Mathieu Vasseur, écrivain un peu raté avant l’heure et légèrement violent. Un jour, il tombe sur un manuscrit et là, miracle de la vie, il devient LE mec idéal avec « Sable Noir », un récit sur la guerre d’Algérie avec des descriptions hyper réalistes alors qu’il n’y a jamais mis les pieds. Avec la notoriété, qu’il a toujours recherché, Mathieu obtient aussi la richesse et/grâce à une superbe copine (Ana Girardot). Cette dernière est une héritière et aime bien les livres et le parfum, c’est à peu près tout ce qu’on sait d’elle puisque dans le film elle n’est finalement qu’une énième femme-objet. Après trois ans de bonheur, Mathieu finit par être rattrapé par de nombreux démons. Jusque-là, dans le film, tout allait plutôt bien. Très vite, le récit devient à la fois un défilé de mode avec Pierre Niney en polo et décapotable et Ana Girardot en short ou en robe avec des lunettes de soleil, mais aussi un imbroglio parfois risible. Le film reprend les codes attendus des films, très nombreux, sur l’usurpation d’identité. Cette semaine, on peut d’ailleurs voir ce thème abordé dans Big Eyes, où un homme s’approprie la paternité des tableaux que peint sa femme. Mais les références d‘Un homme idéal, pour son cadre, son plus à cherche du côté de Plein Soleil. Or, le film en a l’apparence sans le fond.
Au fur et à mesure que le récit avance, Mathieu disparaît de plus en plus, ne se reconnaît plus et s’efface jusqu’à disparaître totalement. Si Pierre Niney est plutôt à l’aise dans la première partie du film, il peine à rester crédible quand le scénario devient, lui, complètement abracadabrant. Pour montrer cette quête-perte d’identité que vit Mathieu, qui s’efface derrière une fausse image qu’il a construit de lui, Yann Gonzlan a cru bon de souligner les failles identitaires de son personnage en ne le filmant qu’en présence de miroirs qui parfois sont triples et multiplient donc le visage de l’acteur. Il voit plusieurs fois des personnages à travers des vitres et en brise une au début du film, signe qu’il va lui aussi se fendiller peu à peu.. Tout ça est peu subtil comme manière de souligner l’usurpation dont Mathieu est l’instigateur. Une fois qu’il est complètement embourbé dans son mensonge et rattrapé par la vérité, Mathieu se met à faire n’importe quoi et le récit aussi car il devient un peu invraisemblable. Le réalisateur tente de créer une tension, assez palpable mais peu crédible, avec de grands effets : musique et yeux exhorbités de Niney. Le vrai problème que rencontre ce film, dont la photographie est plutôt belle – mais c’est surement dû aux paysages – c’est qu’il passe après plein d’autres dont le sujet est similaire et qui ont su se dégager des poncifs, des scènes attendues. Ici, les plans se répètent trop, tout part dans tous les sens sans véritable construction dramatique. Un personnage passionnant, incarné par Thibault Vinçon, aurait ainsi pu être beaucoup plus fort, s’il n’était de nouveau un faire-valoir. Les rôles sont trop stéréotypés et on ne parvient pas à comprendre ce qui pousse vraiment Mathieu, même si le réalisateur nous montre des scènes de pseudo bonheur qu’il pourrait convoiter. Il y a une légère réflexion sur la naissance d’un auteur, sa construction par les médias, mais, là encore, c’est très mince. On passe trop vite dans l’après et on ne comprend d’autant pas ce personnage qui, une fois qu’il s’est donné le droit de bouger les lignes, parvient à écrire un vrai beau roman tout seul (mais il ne sera plus vraiment là pour en profiter). Après Yves Saint-Laurent, Pierre Niney peine à rendre de nouveau passionnante une figure duelle et autodestructrice car il est perdu dans des intrigues fouillis et trop de « déjà vu » et de grosses ficelles de réalisation comme de mise en scène. « Je est un autre » disait Rimbaud. Ici, pourtant, l’autre se reflète dans des miroirs, multipliés comme les lignes scénaristiques, tant qu’on ne sait plus ce qu’on est venu voir et que cette descente aux enfers apparaît trop poussive, pas assez incarnée. On ne va pas forcément au cinéma pour la crédibilité, mais il y a aussi des limites.