Fred Zinnemann, surtout connu pour le western le Train sifflera trois fois, plonge dans les arcanes de la politique anglaise du XVIème siècle et parvient à rendre passionnant ce qui n'aurait pu être qu'une terne et ennuyeuse reconstitution historique, plus axée sur la politique et le bon plaisir d'un roi capricieux et autoritaire. En effet, le film décrit et analyse avec intelligence et mesure le conflit à la fois moral, philosophique et politique qui opposa le roi Henry VIII à l'humaniste Thomas More, en laissant de côté la vie amoureuse tumultueuse du souverain.
Cet événement permet de dresser un intéressant parallèle dans l'Histoire de la monarchie britannique, entre Henri II Plantagenêt et Thomas Becket qui avait été son compagnon de beuverie, et qui une fois devenu archevêque de Canterbury, se retourna contre son roi ; ici, Thomas More fait à peu près la même chose, à la différence qu'il mena une vie pieuse et tranquille.
Le film évoque un fait historique majeur du règne d'Henry VIII, mais ne donne pas dans la fresque ou les scènes d'action et de batailles, c'est une opposition de couloirs et de salons, où l'on sent vivre cette cour des Tudors dans laquelle règnent l'ambition, la jalousie et la frénésie du pouvoir. Thomas More, Cromwell, Wolsey, Norfolk, Cranmer...autant de figures historiques qui en plus de celle du roi, prennent une dimension un peu shakespearienne. Habitués du théâtre de Shakespeare, les acteurs sont tous fabuleux dans leurs actes et leur diction, ils semblent s'être effacés derrière leur grands personnages et nous entraînent au sein de cette cour fastueuse soudain confrontée à des problèmes politiques, moraux et religieux. C'est un plaisir de les voir évoluer dans ces décors naturels de châteaux anglais et ces intérieurs bien reconstitués, on y reconnaîtra au passage John Hurt alors très jeune qui incarne l'ambitieux Richard Rich.
Le film, étonnamment financé par la Warner et la Columbia, tourné en Angleterre par un Américain et employant un prestigieux casting presque exclusivement britannique (si l'on excepte Orson Welles dans le rôle de Wolsey), fut le grand triomphateur des Oscars en 1966, en raflant l'Oscar du meilleur film, meilleur acteur (Paul Scofield), meilleur réalisateur, meilleur scénario, meilleure photo, meilleurs costumes. Un beau drame, soigné et ambitieux.