Dans la catégorie des films de l'ancienne France, avec virée rurale et excursion citadine, naviguant au sein d'un casting extrêmement touffu, avec d'énormes morceaux de truculence et de belles grandes gueules, et permettant de redécouvrir des tableaux quotidiens du siècle passé, Un idiot à Paris est un très bon élément. Je ne connaissais Serge Korber que de nom, associé à des productions qui me donnaient envie de fuir au plus vite (L'Homme orchestre, Sur un arbre perché, et plus récemment Les Bidochon), et voilà que me tombe sur le coin du museau cette comédie intelligente, bien plus fine qu'il n'y paraît, drôle et très agréable à suivre.
Le premier constat arrive rapidement : comment se fait-il que Jean Lefebvre n'ait pas eu davantage d'opportunités dans des rôles de premier plan ? Je l'ai toujours connu cantonné à des personnages de seconde zone, alors qu'ici il explose littéralement tout sur son chemin, interprétation parfaite d'un ouvrier agricole considéré comme l'idiot de la région qui se retrouve seul et paumé dans les rues de Paris suite à une mauvaise boutade de gens de son village. Un périple qui commencera dans les anciennes Halles de Paris, peu avant le transfert du marché vers Rungis : une vertu documentaire, donc, cette déambulation en ces lieux et premier contact avec la capitale pour le personnage.
Il y a aussi l'articulation vraiment bien foutue, un peu approximative mais toujours fluide, entre les différents personnages alors qu'il y en a une sacrée tripotée. Dans le village, le décor est planté avec Robert Dalban le maire et Bernadette Lafont sa fille, ainsi que quelques locaux ayant peu de considération pour celui que tous appellent le bredin, comme Jean Carmet. Côté ville, c'est là que l'activité s'accélère : le premier vrai contact se fait avec Bernard Blier, propriétaire d'un commerce de viande en gros issu de l'Assistance publique qui prendra le héros sous son aile par solidarité entre orphelins — et accessoirement premier réceptacle des grandes tirades de Michel Audiard, plutôt en forme dans ce film, évitant les excès désagréables. Puis une série de seconds rôles délicieux emplissent l'espace, Dany Carrel dans le rôle de la prostituée qui rêve de campagne et qui donnera confiance à Lefebvre, et plein de rôles mineurs mais tout aussi réjouissants comme Paul Préboist en gardien de parc, Yves Robert en habitant lunaire, ou encore le tout jeune Pierre Richard en gendarme. Une comédie étonnamment plurielle, familiale et anar, tendre et acide, récit initiatique et ode à la verdure.
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