Un jour en septembre, one day in september de son titre original, est un film bien difficile à critiquer, et ce à plusieurs égards.
Déjà par son statut même. En effet, le métrage de Kevin Macdonald est considéré comme un documentaire, plutôt à juste titre d'ailleurs, et peut même se targuer de l'oscar du meilleur documentaire, obtenu en 2000 (la sortie française devant attendre 2006).
Cependant, de par ses choix de mise en scène, de reconstitution ou de bande originale, le documentaire se veut aussi film, ou plutôt divertissement (un documentaire reste un film, mais bon vous comprendrez la nuance). Le problème vient donc du fait que le film ne peut pas être rangé comme fiction, mais que dans le même temps il expérimente et s'extirpe un peu de son statut de documentaire.
Oui c'est déjà compliqué alors que ça a même pas commencé.
Mais revenons à nos moutons, et en l'occurrence au film. La question est la suivante : pourquoi 5 ?
J'avoue que l'addition est rude, et que mon ressenti tendrait plutôt vers un 6, voire un 7, mais j'ai jugé le 5 nécessaire. Et il y'a une raison à cela.
D'un point de vue que l'on dirait strictement documentaire, le résultat est bon et les faits sont là et bien exposés, avec pas mal de documentation photo et vidéo notamment. Mais, car il y en a un vous vous en doutez, c'est par son exécution, son "comment" que le film me dérange.
Commençons ainsi par le positif.
Oui le film est bon, dans la mesure où les faits sont donné, et bien amenés, linéairement. L'écriture sait produire un suspens bien venu et qui captive pendant une bonne heure et demie. De même les images et vidéos sont là, le film est bien documenté et l'on en ressort véritablement enrichi en connaissance sur cette affaire. On en comprend les tenants et aboutissants et l'émotion s'invite aussi. La participation par témoignages de nombreux acteurs directs, notamment l'un des 8 terroristes (le seul demeuré vivant), est précieuse, aussi bien pour les informations qui en découlent que pour l'émotion procurée (je pense au témoignage de Mme Spitzer, veuve de l'un des otages). La narration par Michael Douglas est quant à elle réussie, efficace, et nous plonge dans le récit. La musique, rock et pop, intercalée entre les musiques plus classiques dédiées au suspens, est réussi et accompagne bien les images d'archives des jeux olympiques.
Ainsi l'enthousiasme, le doute, la crainte voire l'inquiétude puis l'incompréhension la plus totale se succède. Le métrage est efficace, bien fichu et nous en apprend pas mal.
Mais...
Venons en maintenant au négatif.
Il y a dans ce documentaire, sans doute malgré de bonnes intentions, un sensationnalisme et un voyeurisme qui me font douter. Cela intervient par deux vecteurs introduits préalablement : la mise en scène et la musique. Parfois l'une, parfois l'autre, parfois les deux.
Pour ce qui est de la mise en scène, ce sont d'abord les zooms et cuts, souvent brusques, sur des photos des terroristes voire des cadavres des athlètes (au début-milieu) et des terroristes (à la fin) qui me questionnent et que j' ai fini par trouver d'un certain mauvais goût dans leur exécution. Par moment le film semble ainsi se prendre pour un thriller à la Se7en, par cette insistance sur la violence et une certaine ionisation. Ce problème de mise en scène se mêle aussi à l'emploi de musiques très rock et dynamiques, qui, si elles étaient parfaitement adaptées aux JO, apparaissent comme hors de propos quant il s'agit de parler de la prise d'otage ou de la fusillade par laquelle elle s'est terminée. Un exemple qui m'a frappé est celui d'un long plan aérien de Munich, de nuit, qui m'a énormément fait pensé aux plans identiques de Los Angeles dans l'Ocean's Eleven de Soderbergh. C'est ce côté très "pop" et "film cool à suspens" qui m'a profondément dérangé à vrai dire, cette façon d'iconiser un événement dramatique et surtout réel, d'en faire quelque chose de "cool" par moment. Enfin, pour ce qui est de la musique en elle même, c'est avant tout l'utilisation de chansons rock (style led zepp je dirai, j'ai pas réussi à trouver la composition de la BO) durant des compilations de photos de corps meurtris qui m'a gêné et qui a participé à ce sentiment de voyeurisme et de sensationnalisme.
En somme, même si je comprends les intentions derrière ces choix, je trouve quand même cela très irrespectueux vis à vis des victimes et de leur proche. C'est dingue mais j'ai presque eu l'impression d'être devant une chronique de BFM TV sur des faits divers glauques, même si très bien faite.
Une dernière chose que les votants des oscars ont visiblement oublié concernant le documentaire, c'est l'imprécision de son propos.
Pour exemple, lors de l'introduction des terroristes dans le village olympique, la voix off de Michael Douglas précise qu'ils ont reçu une aide est-allemande. Laquelle, comment et pourquoi, quelles conséquences, le film s'en fout. L'information est balancée sans rien d'autre.
De même, alors que le film insiste, et à raison, sur l'aberration que constitue la gestion de la prise d'otage par la police ouest-allemande (jusqu'à la libération plus que louche des terroristes) , il n'en mentionne aucune issue. Alors qu'il serait légitime de penser à des procès ou des considérations sur le sujet, le film se contente par son texte de fin, de préciser que la RFA a créé immédiatement après une cellule antiterroriste au sein de sa police/armée. C'est tout. Et même s'il n'y avait pas eu de procès, pour qu'elle raison ?
Voilà pourquoi, même si je reconnais de nombreuses qualités et une bonne direction d'ensemble au film de Macdonald, je ne peux m'empêcher de lui mettre 5. Le mauvais goût qui s'en dégage doublé de son imprécision qui laisse l'impression d'un travail inégal et parfois bâclé (le film ne faisant que 1h30, y avait quand même moyen de mieux faire sur ce plan là), qui occulte ses qualités et bonnes intentions.
Un petit gâchis en somme et une interrogation quand à son Oscar. Au moins le film aura permis d'en apprendre plus, et d'une manière globalement agréable par son suspens, mais minée par ses détails.