Un jour mon prince, comédie franco-canadienne de Flavia Coste, avec Sarah-Jeanne Labrosse et Mylène St-Sauveur dans les rôles respectifs principaux de Blondine et Mélusine. Deux actrices québécoises, bien connues là-bas, aux côtés de Pierre-François Martin Laval, Jean-Luc Couchard et Catherine Jacob, acteurs et actrice français dont la réputation humoristique n’est plus à faire. Dans cette comédie décalée, Flavia Coste revisite le conte de La Belle au bois dormant dans un contexte contemporain. Autant dire que l’idée de voir se confronter la Belle de l’époque aux pseudos princes d’aujourd’hui promet des scènes particulièrement alléchantes, bien que l'idée ne date pas d'hier
En résumé, la Belle attend son prince charmant depuis bientôt 100 ans. A une semaine de l’heure fatidique, la Reine Titiana s’inquiète et décide d’envoyer 2 de ses fées à Paris, ville de l’amour, afin de trouver le prince charmant que tous attendent. Elles vont être hébergées chez Puck, un habitant du monde des contes vivant sur place pour une autre mission, qui va se charger de les aider à s’intégrer dans le Paris actuel. Fatalement, c’est là que les ennuis commencent lorsqu’elles constatent un monde hostile pour elles qui ne semble pas prêt à les accueillir sans rudement les bousculer. Elles vont progressivement apprendre la vie extérieure en étant confrontées à une multitude d’obstacles durant leur périple qui les feront également mûrir.
Une histoire originale qui promettait plus d'exubérance mais qui peine à se lâcher pour préserver une importance à l'impact de son sujet. Et c’est là que le film ne parvient pas à trouver ses marques. De nos jours les contes conservent une certaine réputation mais ne possèdent plus aucune reconnaissance. Ils sont souvent l’une des bases fondamentales de la littérature et de n’importe quelle histoire mettant en scène un héros, mais ils sont complètement oubliés et délaissés de nos générations actuelles. Tout comme les princes semblent totalement ignorer le sort de la Belle qui, si on ne la réveille pas, meurt et emporte le monde des contes avec elle. C’est là une métaphore très juste de la reconnaissance générale des contes de nos jours. S’ils sont délaissés c’est en partie car les histoires qu’ils racontent sont devenues très convenues. Aujourd’hui nous sommes habitués à être stimulés par des histoires de plus en plus profondes, de plus en plus complexes, de plus en plus inattendues. C’est là qu’intervient la réalisatrice en proposant de moderniser la vision des contes à travers l’un d’entre eux et de le faire de manière décalée. C’est ainsi que nous voyons des fées innocentes et ne connaissant finalement que peu de choses à la vie, être confrontées à la malhonnêteté, au manque de respect, à la corruption ou encore à tout un tas d’individus n’hésitant pas, au choix, à abuser de leur nombre pour mettre la pression, de leur charme pour forcer la séduction ou encore à devoir mentir pour s’approprier quelque chose qu’elles désirent. Les voilà donc entrées dans la dure loi de la vie.
Toutes ces confrontations sont amenées de manières assez logiques et parfois même subtiles, ce qui offre une dose de très bonnes scènes à la fois amusantes et aux répliques qui font mouches. Sans jamais tomber dans la vanne trop facile ou les blagues de mauvais goûts, on se laisse bercer par ce duo à l’accent mélodieux. Cependant, là où le concept même promettait une véritable exubérance des situations, celui-ci reste plutôt sage. Ce que reprochait Flavia Coste, notamment dans La Belle au bois dormant, c’est de voir une héroïne extrêmement passive. Elle ne fait rien, elle attend, c’est l’aventure qui vient à elle et non elle qui la cherche. Par conséquent, prendre le contre-pied de cet état de fait semble bienvenue. Malheureusement il en résulte une histoire qui s’attarde bien trop sur la caractérisation des personnages en question et qui occupe un trop grand espace uniquement pour les développer. Car si l’histoire de base d’un conte est connue et désormais standardisée, le développement d’un personnage, la quête de celui-ci, qui finit par trouver sa vocation, ses repères et à comprendre sa place dans le monde, est un schéma mille et une fois revu. Le problème n’étant pas ici la volonté de développer la quête de soi d’un personnage mais surtout de le rendre à ce point terre à terre et aussi simple qu’une banale opposition entre les deux caractères principaux. Cela donne la sensation de combattre un cliché par un autre, c’est assez décevant.
Si la volonté de briser les personnalités habituelles des fées et des princesses des différents contes de la part de la réalisatrice est bien visible, la mentalité des princes cependant n'est pas autant retravaillée. D’un côté nous avons Blondine qui apparaît dès le début comme la fille extravertie et curieuse de tout mais qui comprend rapidement que finalement son petit berceau de départ lui manque. Et de l’autre nous avons Mélusine, la fille sage et réservée par excellence qui prend progressivement goût à cette nouvelle vie et s’y adapte rapidement socialement. Deux amies que tout oppose au début et à la fin mais dont la psychologie s’est presque inversée. Et dans cette histoire, le conte de La Belle au bois dormant n’a finalement qu’une place très discrète. C’est bel et bien l’histoire de Blondine et Mélusine que l’on suit, l’histoire de deux fées qui doivent sauver le monde des contes. Le film se perd donc à mi-chemin entre son concept, sa volonté et son écriture assez standardisée. Car si l’on ressent globalement l’amour de la réalisatrice pour ces contes justement, qui sont là pour faire rêver les enfants et dont l’importance, notamment dans l’éducation de ces derniers, est nettement sous-estimée, le message n’est pas tant appuyé que ça. Pour ne pas donner la sensation d’un grand discours, comme celui énoncé à l’assemblée des personnages devant Puck et Titiana à la fin, et laisser plus de place à l’humour et aux scènes désopilantes, cela est tout à fait normal. Par ailleurs un film prévenant de l’importance des contes de fées peut paraître assez comique par nature. Le souci vient du fait qu’au lieu de laisser place au comique de situation, on remplit avec un travail sur l’aspect social, relationnel et émotionnel des différents protagonistes.
La conclusion justifie assez bien l’attention apportée à ce développement, puisqu’on constate que chaque personne possède finalement une affinité bien différente au fantastique et, malgré l’âge, y est plus ou moins réceptive. En fin de compte Un jour mon prince est clairement une version réactualisée, voire universalisée, du conte. On regrettera malheureusement que la comédie ne prenne pas suffisamment de liberté de ton et reste trop sage quand elle pourrait tout à fait être détonante. Par ailleurs, pour témoigner de sa volonté, la réalisatrice base un peu trop son humour sur des clichés. Elle combat le fait que la princesse de certains contes soit assez superficielle et passive, du moins au début, et que son caractère est souvent identique aux autres princesses. Mais concernant les hommes, le message passé est assez superficiel également… « Beau, intelligent, grand, sportif, courtois etc… etc… » sont littéralement les premiers mots de cette comédie. Et la fin donne la sensation que chaque femme est une princesse qui cherche son homme parfait que le Paris actuel (puisque c’est l’unité de lieu du film) est quasiment incapable d’offrir. Le personnage de Jack (Thomas Coumans) est le seul qui offre une alternative à cet idéal quasiment inaccessible et bien trop inintéressant, en proposant un personnage gentil et attentionné de nature mais loin d’avoir toutes les qualités requises par les fées au début de l’histoire. Finalement, si l’héroïne de cette histoire n’est pas la princesse que l’on pense, par chance, le véritable prince charmant n’est pas non plus celui qui semble en occuper le trône.
Critique disponible sur Rétro-HD