Festival de couleurs et de révélations

Difficile, il me semble, de trouver un meilleur représentant de ce que le cinéma de la nouvelle vague tchécoslovaque a pu produire en son temps, tant du point de vue des qualités, des faiblesses, du reflet de l'histoire que des effets du temps. "Un jour un chat" correspond un peu au point médian entre toutes les spécificités du courant, ni trop sérieux ni trop farcesque, ni camouflé derrière des métaphores cryptiques ni ouvertement critique pour passer le filtre de la censure, ni conventionnel ni excessivement chtarbé. Bon, il est quand même question de chat magique qui révèle la nature profonde des habitants d'un petit village dès lors qu'il enlève ses lunettes de soleil, en les colorant selon un code couleur assez bateau — en substance, les passionnés et les amoureux en rouge, les infidèles en jaune, les hypocrites en violet, et les voleurs en gris— mais disons que cela s'exprime dans un cadre relativement sérieux et cohérent, sans autre exubérance notable.


Un de ces films qui adoptent la hauteur du regard des enfants en grande partie, ce qui lui confère une certaine légèreté bienvenue pour aborder ces thèmes pouvant assez vite virer à la condamnation morale pataude, mais qui s'accompagne également d'un soupçon de naïveté qui dessert le film sur la durée, un peu empêtré dans son manichéisme qu'illustre le code couleur binaire (ou quaternaire). Le sous-texte est d'une clarté évidente, l'allégorie politique sur les régimes autoritaires avançant en toute transparence avec quelques personnages-clés aux fonctions parfaitement définies, l'instituteur bienveillant et ami de la nature, le chasseur taxidermiste qui prend un plaisir à empailler les cigognes, et le magicien qui arrive dans patelin pour introduire le petit chaos qui suscitera péripéties et révélations de circonstance (ainsi qu'un joli numéro sur fond noir). La discorde déclenchée entre les habitants à partir du moment où apparaissent les couleurs (bavant quelque peu) se limite à des considérations assez enfantines, entre humour absurde et poésie désuète. Vojtěch Jasný a la main un peu lourde quand il s'agit de décrire le contenu politique et satirique de son film, certaines séquences sont démesurément longues, mais le tout relève d'une originalité difficilement contestable.

Morrinson
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le 6 juin 2024

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Morrinson

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