Depuis le succès colossal du premier Un justicier dans la ville la carrière de Charles Bronson a trouvé un second souffle... au moins financier. Un statut tardif de superstar qu'il va avoir un peu de mal à exploiter sur le plan artistique malgré le Hard Times pas dégueulasse de Walter Hill sorti en 1975. Qu'à cela ne tienne ! Bronson, qui a failli devenir le Snake Plissken de New York 1997, revient à son personnage de justicier et renoue au passage avec Michael Winner dont la carrière de réalisateur n'est pas non plus exactement au sommet de la vague.


Exilé de force à la fin du premier film Paul Kersey vit désormais à Los Angeles avec sa fille et sa nouvelle compagne, une journaliste. Ce second volet n'exploite pas du tout le dernier, et meilleur, plan du précédent opus, à savoir un Paul Kersey un peu flippant qui continue sa chasse sur de nouveaux territoires. Non, notre brave architecte s'est rangé des bastos et il coule des jours paisibles et anodins sous le ciel californien. Jusqu'au moment où... des voyous (parmi lesquels on trouve un tout jeune Laurence Fishburne) s'attaquent à sa famille : ils violent puis tuent la servante mexicaine, puis ils agressent Paul et enlèvent sa fille... qu'ils vont violer à répétition. Deux fois en deux films, la pauvre jeune femme n'aura heureusement plus à subir cela une troisième fois puisqu'elle préfère se jeter par une fenêtre et finir en brochette géante. Forcément, papa Kersey l'a mauvaise et il déterre la hache de guerre.



Oups, I did it again



On repart donc sur des bases similaires : petite ville tranquille, urbanité menaçante et agression initiale filmée dans toute son intégralité et sa complaisance. Ca pourrait paraître fainéant et ça l'est mais ce n'est pas le vrai problème. En effet, et contrairement au premier volet, Un justicier dans la ville 2 est un pur film de vengeance : Kersey traque les tortionnaires de sa fille (la dame de maison à la peau colorée qui prend tout aussi cher n'est sans doute pas une motivation suffisante), s'il dégomme bien quelques autres trafiquants en chemin ce ne sont que des dommages collatéraux. On tombe donc dans un registre très personnel, on s'éloigne de la notion de justice. La petite guérilla de Kersey devient cathartique là où elle donnait le sentiment d'enfermer le personnage dans son obsession dans le premier volet. Cette catharsis est renforcé par le retour de l'inspecteur Ochoa, celui qui l'avait arrêté dans Un justicier dans la ville. Il est envoyé à L.A. pour s'assurer que ses nouvelles actions ne vont pas impliquer la mairie de New York, qui l'a laissé filé sciemment, mais très vite il se transforme en ange protecteur de Kersey avant de se sacrifier pour le sauver. Avant de mourir il invite Kersey à les tuer tous. Cette fois-ci Kersey reçoit une bénédiction... avant d'en recevoir une autre de la part d'un infirmier après avoir exécuté brutalement un prisonnier dans un hôpital.


Cette fois plus d'ambiguïté, plus de recul et plus de contrepoint, Un justicier dans la ville 2 épouse et valide clairement la croisade de son héros. Avant le système politique/policier/judiciaire était débordé et cynique par la force des choses, désormais on nous le montre complètement inutile, à la limite de la complicité quand il ne peut pas punir le dernier criminel sur la liste de Kersey. Finalement Kersey est la solution simple à un problème posé lui aussi comme simple : criminel = mort. Même le statut de journaliste de la nouvelle fiancée de Paul Kersey ne sert qu'à montrer que la société se moque du problème et que donc il faut forcément des homme avec des couilles poilues comme Kersey pour régler la situation. Cependant cette orientation n'est pas étonnante puisque la série est désormais produite par la Cannon, la compagnie à qui l'on doit les Delta Force et autres American Ninja; des films connus pour donner des crampes cérébrales à n'importe quel journaliste de Télérama.



Escalade de la violence



La mise en scène d'Un justicier dans la ville était sans génie, un peu molle mais elle essayait de construire quelque chose autour des tiraillements intérieurs de son personnage principal. Dans le 2 Paul Kersey est légitimé et ne se pose donc pas la moindre question, dès lors la réalisation abandonne l'aspect pseudo-réaliste et tente une approche plus décomplexée... ce qui donne un film nettement plus con. (Pour rappel : ceci est une production de la Cannon) La violence du premier avait été un de ses vecteurs de succès alors pour cette suite on en rajoute, on n'est plus tant dans un thriller que dans un film d'exploitation, avec un nombre de cadavre en nette hausse. Plus nombreuses, les morts sont également plus gratinées et comme les talents de metteur en scène de Michael Winner n'ont pas vraiment évoluer depuis 1974... le résultat frôle très souvent le ridicule. A titre d'exemple la mort réservée à Laurence Fishbrune (attention, gros spoiler : tous les méchants crèvent à la fin) est un grand moment de n'importe quoi dont on cherche encore la justification réelle.


Face à cette bande de hooligans au look post-ringard il faut évidemment un Paul Kersey qui ait du répondant. Bien conscient que Charles Bronson est le principal (le seul ?) argument du film, Michael Winner essaye de donner au personnage de Kersey une dimension supplémentaire, de le faire passer à un statut de légende urbaine. Ainsi Kersey de jour et Kersey de nuit deviennent presque deux personnages à part entière : il y a l'apparition d'une tenue rituelle pour la chasse, la caméra s'attarde d'avantage sur les détails de la préparation de Kersey, sur sa façon de traquer ses proies. Là aussi on voit que le réalisateur est rentré dans la logique du film d'exploitation, sont héros doit être cool à sa façon. C'est ainsi qu'apparaissent des punchlines comme la fameuse réplique sur ce voyou qui s'apprête à rencontrer dieu. Le décalage entre le discours très affirmé et très premier degré et une forme parfois en roue libre finit par devenir assez gênant. Gênant aussi : ce bon vieux Charlie Bronson, s'il serre sa mâchoire comme il faut mais nul doute que ses 62 ans ont dû peser sur le choix de faire des scènes d'action aussi statiques et molles... pour un film sortant la même année que 48 heures de Walter Hill ou Rambo de Ted Kotcheff, ça la fout un peu mal.


Plus violent, plus con, plus vieux, plus moustachu, plus réac, plus en roue libre... Un justicier dans la ville 2 est donc l'exemple type de la suite qui ne casse pas trop la nénette. La métamorphose qui s'opère est néanmoins intéressante puisque c'est à partir de ce moment là que Bronson va définitivement s'enfermer dans sa propre caricature. Ce deuxième volet peine vraiment à offrir un réel intérêt mais ce que l'on voit à travers ce film c'est la chenille de la Bronsonsploitation qui fait sa chrysalide. Un cocon en pleine maturation, à la limite de la macération, qui va nous offrir un magnifique papillon avec Le justicier de New York, chef d'oeuvre ultime et définitif de la Bronsonsploitation.


Si vous en voulez encore, vous pouvez (re)lire la critique sur Un justicier dans la ville ou celle sur Un justicier dans la ville 3

Vnr-Herzog
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le 19 avr. 2016

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