Jean-Pierre Mocky s'est illustré dans les années 70-80 comme un réalisateur à part, avec un style cynique et une façon assez abrupte de critiquer les systèmes établis. "Un linceul n'a pas de poches", inspiré du roman "No pockets in a shroud" de l'américain Horace Mac Coy, s'attaque à la presse, ou plus exactement à tous ceux qui veulent la museler. Ce pamphlet sans concession constitue une charge contre à la fois les patrons des journaux qui acceptent de couvrir les copains et les coquins, contre les hommes politiques qu'ils soient de droite et de gauche, les syndicats qui protègent avant tout leurs intérêts, les femmes qui se conduisent comme des putes, les hommes qui se conduisent comme des brutes, les bourgeois tous véreux, et quelques autres travers de nos bonnes sociétés. Avec la délicatesse d'un éléphant dans un magasin de porcelaine, le réalisateur-scénariste-acteur déroule un drame assez noir dont le dénouement brutal ne laisse guère place à l'optimisme. Ce film ne connu guère plus de succès que ses autres films, mais il représente un spécimen intéressant d'un cinéma populaire engagé. Sa musique, nominée aux Césars, est devenue un air extrêmement connu, même si bien peu de gens savent de quel film elle provient.
Le style de Mocky est à l'emporte-pièce, et son souci est moins d'obtenir un jeu d'acteurs convaincant que d'asséner une démonstration en grossissant le trait. Néanmoins un casting renommé assure de la qualité de jeu des comédiens. Les dialogues crus et plusieurs scènes racoleuses pourront choquer certains, mais tout cela est dans le ton du film qui dénonce des scandales tous plus ou moins liés au sexe. Le film apparaît aussi comme fortement daté au niveau des costumes, coiffures et des voitures (on notera la Coccinelle customisées…), mais aussi au niveau du contexte politique, le parti communiste ayant à l'époque une audience qu'il n'a plus aujourd'hui. Par contre l'histoire pourrait se passer n'importe où et à n'importe quelle époque. Auteur d'un cinéma pamphlétaire, Mocky aurait eu peut-être plus de succès avec un scénario un peu plus subtil et des "méchants" moins caricaturaux et moins manichéens. Mais la (re)découverte aujourd'hui de ce style de film, qui tranche avec les productions actuelles souvent plus aseptisées est à la fois intéressante et divertissante.