Patrice Chéreau avait orchestré un ballet familial chaotique dans le fabuleux Ceux qui m'aiment prendront le train, et Paul Thomas Anderson, une ronde tourmentée de personnages égarés dans Magnolia.
En 1978, dans Un Mariage, soit bien avant les années 90 qui virent triompher Chéreau et Anderson, alors en pleine possession de leur talent, Robert Altman dirige de main de maître un heureux événement qui se révèle des l'ouverture du film (un mariage étrangement morbide qui évoque la monumentale scène de noces dans La Reine Margot du même Patrice Chéreau) être en réalité un cauchemar déguisé.
Habitué à démasquer l'hypocrisie de ses personnages et à se poster en tant qu'observateur fin et caustique de ses con-citoyens américains, Altman parvient une fois de plus à faire tomber les apparences (bourgeoisie, religion, bonheur, amour, adultère, addiction et nymphomanie sont au programme) avec brio.
I have no philosophy. All I'm trying to do is paint a picture and show it to you. It's like a sandcastle. It's going to go away.
Selon Altman, le rôle qu'il se donne n'est pas tant de chercher à délivrer un message ou une morale, mais plutôt de dépeindre une micro-société, un ensemble de personnalités par touches et avec minutie. Un peintre qui brosse ses galeries de portraits avec férocité parfois mais aussi avec sensibilité et lucidité.
Paul Thomas Anderson qui ne se défend pas de l'inspiration que suscite chez lui les films d'Altman, a su mettre en pratique le genre dans lequel excelle Altman : le film choral.
De Geraldine Chaplin à Vittorio Gassman en passant par Lauren Hutton et Mia Farrow, un casting idéal mêlant stars iconique, starlettes de séries et acteurs inconnus évolue dans ce parfait manège de malaises et de rebondissements.
Festen, Un Conte de Noël, Melancholia... Autant de films qui abordaient le motif de la réunion familiale sous l'angle cynique et désabusé d'un réalisateur amoureux du cinéma et observateur grinçant de ses contemporains.
Altman, en peintre pointilliste met en scène ce huis clos tonitruant (la séquence de la tempête est superbe) avec un humour grinçant qui lui est propre et une précision d'entomologiste.