Après avoir oeuvré dans le film de gangsters durant les années 1960, puis longtemps dans la chronique de tranches de vie dans la petite bourgeoisie de sa génération, Claude Sautet, à l'aube des années 1980, met en scène Un Mauvais Fils, où il s'attarde cette fois-ci sur les relations entre un père et un fils dans le milieu ouvrier.
Changement aussi radical que réussi dans les portraits qu'il dépeint, où il va braquer sa caméra sur le retour de Bruno, toxicomane revenu des États-Unis où il y a purgé une peine de prison, chez son père qui a, pendant ce temps, vécu la mort de sa femme. Un retour d'abord chaleureux mais qui va vite devenir invivable, où Sautet va mettre en scène avec justesse et intelligence des rapports père-fils marqués par la mort de cette femme, mais aussi dans la vision d'un fils qui va tout faire pour remonter la pente. Toute la galerie de personnages tournants autour de ce dernier va participer à la réussite de l'oeuvre et accentuer la fragilité, la frustration, la solitude ou encore les remords de ce personnage. Ils respirent tous la sincérité et montrent les faiblesses, valeurs et diverses particularités de la nature humaine, devant faire face à des problèmes comme la drogue ou les conditions, comme être ouvrier ou homosexuel.
Sautet montre à nouveau tout son savoir-faire et met en place une ambiance assez difficile, marqué par le manque de communication, la tristesse et les colères autour de cette relation. Il montre une vraie justesse et sensibilité, mais aussi sobriété derrière la caméra, nous immergeant totalement dans la vie des personnages, nous donnant même l'impression de partager leurs intimités et sentiments. C'est là d'ailleurs toute la réussite du film, mais aussi de l'ensemble de l'oeuvre de Sautet, savoir capter la vie avec les dilemmes et difficultés qui vont avec, mais aussi l'humain et la complexité des sentiments. Ici il le fait à merveille et fait ressortir toute l'émotion et la complexité des personnages qu'il dépeint.
La qualité d'écriture (tant les personnages que leurs évolutions et les dialogues) est donc sublimée par une qualité de mise en scène et de réalisation où Sautet se montre à nouveau inspiré et juste, trouvant aussi toujours le bon plan et sachant faire passer les émotions par des gestes, regards ou non-dit, qui en disent parfois bien plus que n'importe quel mot. Les sentiments sont toujours au coeur du récit, sublimés par un Sautet qui nous les fait vivre et donnant par la même occasion une dimension forte, sensible et dramatique à son oeuvre. De nombreuses séquences sont mémorables, à l'image d'un Dewaere plongeant nue, respirant alors la joie de vivre, ou quelques face-à-face entre lui et son père. Yves Roberts et Brigitte Fossey se montrent remarquables et ils entourent avec brio un merveilleux Patrick Dewaere, capable de retranscrire toutes sortes de sensations et ici véritable écorché aussi secret qu'impulsif et fragile, cherchant l'amour après être tombé dans la drogue.
Claude Sautet livre ici une oeuvre intimiste, humaine et d'une remarquable sensibilité et émotion, sachant capter avec force la complexité des sentiments, la vie et tout simplement l'humain, dirigeant par la même occasion une formidable troupe de comédiens dont un merveilleux Patrick Dewaere, dont parfois un simple geste, regard ou même silence en dit bien plus que n'importe quel mot.