Sweet Devotion
Comme l'indique le titre, Masako et Yuzo ont l'occasion de passer un merveilleux dimanche, unique jour de la semaine où ils peuvent se voir, passant leur temps à rêver d'une vie meilleure dans un...
le 27 févr. 2017
26 j'aime
Un merveilleux dimanche... j'lui trouve comme un goût de misérabilisme.
Y en a.
J'ai toujours apprécié dans le cinéma de Kurosawa une capacité à ne pas céder à la tentation d'un néoréalisme plaintif et pleureur.
Je pense à la fierté du p'tit rat de Barberousse qui aurait préféré mourir que mendier. « S'abaisser devant les gens, un homme fait jamais ça ! »
Je pense au pessimisme éclairé, fier également, de la troupe des Bas-fonds.
Je pense à l'antagoniste d'Heaver and Hell qui reste droit dans ses bottes face au riche Mifune.
Causant misère et classes sociales, c'est un cinéma qui fera passer son propos par des voies non-victimaires, sans faire la morale ni arroser de pathos, la tête haute. En cela, Un merveilleux dimanche diffère dans son approche.
C'est un conte qui s'adresse aux chiâleurs, aux oisifs, à ceux sur qui la vie semble s'acharner et qui ne voient plus de raison d'ouvrir les fenêtres et sortir de chez eux. Pluie, froid, douleur physique, frustration financière, frustration sexuelle, de quoi perdre la faculté de rêver et rester cloué à son tatami humide. Ça me fait songer à Shinji, tiens.
Quand on n'a rien et que rien ne va, c'est difficile de se sortir les doigts et de garder la patate. Tour à tour les deux personnages auront leurs hauts et leurs bas, ils se tireront mutuellement de la boue jusqu'à enfin réussir extirper leurs esprits des conditions sinistres de leurs corps. Ils dissocieront leur bonheur de leur porte-feuilles. Ayant trébuché sur quelques exemples à suivre disséminés au cours du film, comme la fierté du jeune clodo mangeur de riz, ce sont les personnages eux-mêmes qui vont trouver leur chemin vers la sortie de leur condition de victimes. Et pourquoi pas, c'est un programme intéressant pour un film.
Ce qui me dérange, c'est que le misérabilisme n'est pas qu'une cible à abattre qui serait cantonnée aux deux personnages. Il est plus profondément ancré que ça, on sent son parfum dans le fond du film. Je pense par exemple à la rencontre avec le couple riche dans la maison à vendre. Ça pour le coup c'est extérieur aux personnages, c'est Kurosawa qui vous dit « regardez comme le Japon américanisé d'après-guerre est pas cool » ; c'est explicite, bavard, peu élégant. Des clous de ce genre, le film en enfonce quelques uns.
Maintenant, si on parle cinéma deux minutes, je vais vous dire que c'est quand même loin d'être mauvais. C'est bourré de foutues bonnes idées, et je vous cache pas que j'adore certaines scènes. La discussion avec le gardien de l'immeuble m'éclate, tout ce qui se joue dans l'appartement du gars me fascine. Et... j'aime cette scène finale de concert... c'est pas fin, c'est pas parfait, c'est frontal, Kurosawa force un peu avec les deux coudes pour que ça rentre... tant pis, on calme son acidité critique, on se laisse porter par la poésie. C'est pas facile d'y croire, c'est tout l'enjeu, mais ça marche.
Si on peut faire des reproches aux quelques fausses notes du propos, celui-ci virevolte en tout cas dans les ficelles d'une mise en scène merveilleuse, voisine spirituelle du cinéma muet. Dans des environnements délabrés, sous un clair-obscur qui tape dans les yeux des acteurs, l'esthétique de Kurosawa éclot petit à petit.
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le 10 juin 2022
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