L'esthétique visuelle du film ne m'a pas déplu. Y a un cachet et des belles idées. Je pense notamment à ces intrusions de lumière verte ou cyan dans de très nombreux plans, des reflets quasi-spéculaires qui contaminent les visages et les décors, qui évoquent dans les séquences un quelque chose de transcendant, malsain et puissant, un malaise rampant entre les personnages d'une coupe à l'autre mais dont on ne peut pas saisir la source. C'est une idée visuelle toute simple, sûrement lâchée comme ça par un chef op' en roue libre, que pour autant j'ai beaucoup aimée et qui m'a vraiment fait ressentir l'omniprésence d'une force liée à la mort et au mal.
Vous y trouverez aussi l'esthétique un peu onirique classico-kitsch qui ici étonnamment fonctionne plutôt bien à mon sens : ambiances parfois floues et pesantes, très lumineuses, armures rutilantes à en envoyer des aigrettes de diffraction, couleurs acérées.
Les choix musicaux sont pas faits du pied gauche non plus, certaines séquences tapent juste sur cet aspect-là.
Bref, formellement c'est un film qui a sa gueule. Son principal problème pour moi c'est sa nature elliptique. Faire tenir en 2 heures et 15 minutes le cycle arthurien, en partant de la fin des conquêtes d'Uther jusqu'à la bataille de Camlann, scénaristiquement j'appelle ça le Grand-Prix de Monaco. Le film sprinte de nœud narratif en nœud narratif sans jamais trop savoir où s'attarder et où prendre des raccourcis. Ça mène à un rythme frénétique et irrégulier qui peine à vous accrocher à quoi que ce soit.
Le film, notamment, compte beaucoup trop à mon sens sur notre pré-connaissance de la légende. Beaucoup d'enjeux m'ont donné le sentiment d'être dans un restaurant où je devais me lever pour aller me servir moi-même, tout est présent dans le texte mais pas souvent assez puissamment dans la mise en scène pour faire le boulot de manière autonome : les tensions quand un écuyer retire Excalibur, le dilemme intérieur de Lancelot, les enjeux autour de Perceval, les motivations de Mordred, etc., autant de choses qu'il faut se débrouiller pour ressentir et comprendre parce qu'on sait bien ce qu'il faut ressentir et comprendre, mais qui ne sont pas concrètement dans le film, ou alors à une échelle très schématique ou explicite.
Reste que ça marchouille plutôt pas trop mal, comme dit c'est malgré tout un film qui a de la gueule, des idées, des intentions, qui tente des trucs et fait des trucs. Divisé en une trilogie ça aurait pu être quelque chose de solide, parce qu'en dehors de sa structure narrative sur-compressée j'ai pas grand-chose à lui reprocher. La dimension épique arrive souvent à briller malgré les enjeux survolés, certains plans envoient sérieusement du bois, certains personnages comme Morgane provoquent une fascination certaine.
Un film pas parfait, elliptique, mais costaud dans son genre.