On avait beaucoup aimé les films précédents de Thomas Lilti, traitant de sujets professionnels dans le monde médical : comme une sorte d'alternative ludique et "commerciale", plus "grand public" en tous cas, au format documentaire, ces films décrivaient avec une lucidité indiscutable - mais avec une bienveillance très plaisante - les problèmes rencontrés au quotidien par les acteurs du métier... Le tout avec "le minimum vital" de fiction pour embarquer le spectateur.
Un métier sérieux applique la même approche (pourquoi changer une approche qui gagne ?), mais au sujet, peut-être encore plus épineux, de l'Enseignement, dont on sait que, plus encore que la Santé, il est désormais l'une des grandes faiblesses du "modèle français".
Nous assistons donc à une année scolaire complète dans un collège de la banlieue parisienne, où opère une équipe d'enseignants aussi hétéroclite que fusionnelle (donc clairement idéale, voire idéalisée), et que rejoint un jeune homme (Lacoste, impeccable comme toujours) qui cherche toujours sa voie. Pendant cette année, nous allons donc assister un panel de situations "normales" dans la vie du collège, et qui vont, pour la plupart d'entre elles, être soit les symptômes, soit les conséquences de ces dérèglements qui mettent à mal la mission d'enseignement de l'établissement : consignes administratives absurdes, inspection académique hors sol, conflit violent avec un élève en pleine perdition, difficultés techniques d'intéresser les élèves (le tuto YouTube est mis à l'honneur !), confrontations avec les parents, etc. Et puis, car les profs sont des êtres humains, interférences non négligeables des problèmes personnels qui peuvent rendre le professeur incapable d'exercer son métier : l'exemple le plus cruel ici est celui de cette professeur (Louise Bourgoin, très fine, très juste) dévastée par la violence de son fils à elle et ne pouvant plus assumer la confrontation avec ses élèves...
Tout cela est formidable, aussi distrayant (on rit beaucoup, mais toujours AVEC les protagonistes) qu'émouvant (puisqu'on se reconnaît forcément à un moment ou un autre dans ce portrait de groupe...), mais laisse une vague impression d'insatisfaction qui n'existait pas dans les projets précédents de Lilti. Est-ce parce qu'il connaît moins bien le sujet qu'il reste plus "à la surface des choses" ? Ou peut-être parce qu'il veut éviter que son film soit polémique : rien sur l'Islam, presque rien sur la violence entre élèves, rien sur le harcèlement, bref, un métier sérieux évite prudemment les sujets qui fâchent vraiment. Et, ce faisant, se condamne à rester vaguement sibyllin, voire, pire, anecdotique.
[Critique écrite en 2023]