Laura Wandel réalise un très beau film, oppressant, qui capture avec maîtrise toutes les nuances d'un petit monde à part. L'analyse d'un microcosme des cours d'école, leurs processus de pensée, leurs émotions parfois amusantes mais aussi cruelles. Des enfants entre eux, qui peuvent parfois être méchants, une cour de récréation qui devient cet ensemble où s'organise un système social, dans lequel chacun devra apprendre à vivre en commun, qui pousse à grandir, souvent dur, une lutte de pouvoir imperceptible qu'il faut savoir accomplir seul. Mais dont Nora ( Maya Vanderbeque ) ne veut pas. Un petit ange qu'elle interprète à merveille, et qui s'accroche à son frère, Abel ( Günter Duret ) tout aussi talentueux, pour ne pas tomber parmi ses joies et ses rires, qu'elles ne connaît pas. Un portrait poignant d'une petite fille qui ne cherche que la présence de son frère pour ne plus avoir peur. L'innocence d'une enfant, devant cet arrière-plan flou et chaotique qui la montre si timide et incertaine. À la découverte d'un espace bien trop vaste, perdue au milieu de tous ces petits monstres qui la regardent et l'effraient, pour la plonger dans un mutisme où coule de silencieuse larme qu'elle ne peut plus retenir.
À travers les yeux de Nora, les grands semblent absents. Tous ces mots qui blessent, qu'elle perçoit sans comprendre, ses intimidations qui se cachent derrière toutes ses portes fermées, aux clés que les adultes n'ont jamais su trouver. Abandonnée à sa peine qu'on traumatise et qui se révolte lorsque personne ne veut entendre ce cri qu'on étouffe. Enfermé à l'intérieur d'un monde où le temps ne devient plus qu'une menace invisible. Peuplé d'enfants qui s'amusent, qu'on envahie de tous ces bruits et d'un son qu'on oublie. Qui se débat comme un appel à l'aide, avant que tout ces vilains tyrans ne deviennent d'immense bourreaux, imposant leur loi du silence, pire que le mal qui les harcèle, face à un père ( Karim Leklou ) qui les aime. Restant impuissant en dehors d'un sanctuaire plein de jeux innocents, sans conséquence.
Qui malheureusement ne le sont déjà plus, des petits dialogues naïfs mais aussi féroces entendus de leurs parents. Une politique en forme d'enjeu, qui permet de nouer où de briser des amitiés, avec des règles et des rumeurs qui vont très vite, de façon très simple, et qui crée maintenant des tensions extrêmes entre Nora et Abel, quand chacun cherche difficilement à tisser des liens sur le chemin de l'école et que le regard de l'autre devient une faiblesse, une honte. Cette différence qui les éloigne et qui lui dit " Tu ne sais pas te défendre " Nora qui ne veux plus avoir peur, laissant une partie d'elle s'envoler, pour ne plus être touché par cette méchante armée de petits diablotins, se transformer en un solide cœur de pierre, dans une armure de fer bien trop lourde à porter, et observer se frère, noir et lointain, prisonnier d'un démon.
Une âme a jamais blessée, pour voir enfin naître un petit cœur de chair et des pleurs au teint rosé, ruisseler le visage de ses deux enfants qui n'ont jamais appris à se quitter, à s'adapter, la violence mais aussi le bonheur d'être frère et sœur, dans une fin parfaite, où la colère, la frustration, la douleur et l'amour se rejoignent.