Nomadland est un très beau film, sincère dans chacune de ses constructions dramatiques. Un art de la narration que Chloé Zhao, la réalisatrice nous propose à travers le voyage d'une femme, au visage marqué par des yeux absents d'une vie qui s'en est allée. Dans un hiver d'une profonde douleur. Le personnage de Fern, magnifiquement interprété par Frances McDormand, dans toutes ses nuances de pierre, empreint d'une mémoire au destin confisqué. Touché par un sentiment triste, et froid, mais aussi chaleureux, que l'on découvre à ses côtés. Lorsqu'elle traverse cette maison vide, victime de la cupidité et de la barbarie de ces entreprises. Un empire qui s'effondre, à l'image de se van pour seul horizon, comme un rien qui vous prend tous. La vision sombre d'une crise économique que l'Amérique propose bien souvent à tous ces travailleurs. Quand le présent devient fragile, et qu'il laisse place au silence d'une ville, devenu ce désert sans relief ni printemps. Un déclassement dans ce spectacle de ruines, qui la pousse à partir pour un soleil qui ne l'attend pas vraiment. Mais qui lui permettra de découvrir qu'elle n'est peut-être pas seule dans cet espace infini, y voir aussi tous ces petits papillons de nuit, perdus parmi ces poussières d'étoiles, cherchant désespérément le chemin qui va colorer le ciel. Une solidarité dans le regard de chacun, pour un peu de lumière.
Quitter le temps d'un instant l'obscurité d'une vie de nomade. Un monde qui les oublie, sans pourtant jamais perdre espoir, chercher à faire l'aumône. Ce refus d'assistance, des gens robustes, qui malgré les blessures du corps, épuisé par le vent qui souffle sans destination. Au gré des saisons, errant sur les routes de sa nostalgie aux images lointaines. Des larmes qui coulent, égarés par ces matins blancs qui se méfient de l'autre. Une solitude qui se nourrit de la nuit de ces villes. Un moment de chaleur, le partage d'un coucher de soleil, qui offre un sourire, la possibilité de vivre riche, d'un pays plein de liberté, aux étendues immenses. La formulation d'un imaginaire plus humain, mais qui reste toujours pauvre d'un système qui les abandonne, hors des villes, par un Etat et ses grandes firmes, dans un certain conservatisme. Une impulsion presque héroïque a montré cette femme, ses hommes, comme une représentation des vrais Américains.
Ce sont des souvenirs qu'elle ne peut plus trahir. Elle construit son chemin à travers ses pensées, fidèle à son histoire. Des arrêts plein de rencontres qu'elle ajoute à sa traversée, pour une maison qui lui tend la main et qui ouvre aux émotions, celles de l'amour, mais qu'elle refuse de réécrire. Elle veut rester libre, en marge d'une société, traversant tous ces paysages, ces grands Entrepôts, Amazon, d'une telle puissance, lui rappelant que son existence est précaire. Un lieu de travail et d'épanouissement, une communauté qui s'entrelace dans la Joie et la bonne humeur, qui fait vivre toute cette main-d'œuvre docile, ces familles qui ne demande rien, juste à travailler. Des sans-abri sans réelle destinée, une brutalité qu'elle choisit de fuir afin de pouvoir contempler cette jolie nature qui illumine ses rêves. Maintenant que son toit devient si beau, si vaste, des territoires à perte de vue qu'elle peut ressentir, toucher, quelque chose de plus grand qu'elle. Qui n'opprime pas, face aux attentes insignifiantes du travail.
Un film qui dépeint le parcours de Fern, de même que le réalisme social de l'Amérique. La politique de ce pays, les différents jugements de valeur sur la pauvreté. Ce mythe américain qui pousse tous ces braves gens à devenir des nomadland, qui ne se résume plus seulement à une lutte qu'il faut surmonter, mais plutôt une continuation dans une longue tradition américaine. Le symptôme systémique d'un échec général. Une voie vers un difficile avenir pour certains d'entre eux, sans autre choix malheureusement, ou bien l'itinéraire qu'ils ont choisi de construire. Une nouvelle philosophie de vie, à la fois triste et belle.