A Stéphane

C'est mon film préféré signé Eastwood. Je le trouve assez peu cité dans ses grandes réussites. Il a pourtant, pour moi, beaucoup de raisons artistiques à être aux côtés d'"Impitoyable" ou "Gran Torino".
Déjà parce qu'il propose une double histoire, à la fois intimement liées et diamétralement opposés.
Le premier consiste en une "prise d'otage", mêlé d'un consentement et de curiosité, entre deux grands gamins qui n'ont jamais eu de père présent pour eux. En cela Kevin Costner (qui en impose sévère) est un peu le reflet de ce qu'aurait pu devenir le petit enfant... si ce dernier ne l'avait pas rencontré. Peu à peu, un rapport de filiation père-fils se noue entre eux, si bien qu'on ne sait plus qui prend les décisions entre les deux. Si bien que c'est le bandit qui comprend et s'occupe le mieux de ce gamin. Ça ne pouvait que me toucher, personnellement. Mais là où le vieux Clint frappe très fort pour moi, c'est lors des instants d'émotion, surtout vers le final: tout est là pour que ça soit hyper pathos. Il manquerait plus que les violons. Et pourtant, tout roule: les larmes, les promesses, les masques qui tombent, les déclarations, tout collent parfaitement, et nous émeuvent. Mieux que ça, on y croit complètement ! Le final de ce film, donc, avec son intensité ascendante, est une merveille à elle seule, et un certain prodige de mise en scène.
La deuxième, avec Eastwood lui-même qui interprète une énième fois un commissaire de police, comme le rôle du cow-boy qui lui a toujours collé à la peau. Sauf qu'à l'instar de Will dans "Impitoyable", il lui donne des attraits vieillissants, proche de la retraite. D'où le rapport à la fois affectueux et tolérant de ses collègues (qui se font une fixation sur l'anatomie des grenouilles me demandez pas pourquoi). Accompagné d'une espèce de tueur à gage qui s'incruste dans la mission pour retrouver Costner (un brin caricatural par ailleurs- et surtout, qui a laissé entrer ce mec ??) mais surtout d'une femme qui évolue tout le long du film (première apparition: nunuche... 15 minutes après, elle envoie rembarrer le vieux Clint), il poursuit celui qu'il a déjà croisé, comme si il courrait à la poursuite de son passé. Mais là n'est pas le plus intéressant: sa relation avec la femme, qui ne cesse de varier. Commençant par un rapport machiste, se déroulant par un rapport méprisant (duel entre la théorie et la pratique, confrontation de la vieille et nouvelle méthode donc), et se finissant pacifiquement, avec une relation complice. On peut même voir en leur dernière scène ensemble comme une insinuation: et si le vieux Clint allait jouer, hors-cadre, le rôle de grand-père pour cette fille du Gouverneur, tout comme Costern a jouer le rôle du papa pour "Buzz" ? A vrai dire, je ne suis plus sûr de rien...
Quel voyage humain nous est proposé ! Hyper-sensible, tendre, drôle, bouleversants par moments, avec un réel suspens... Et quelles scènes mémorables ! La scène de l'évasion, crédible. Le collègue de Costner dans les champs de blé. La "quête" d'Halloween. L'extase s'invite même souvent, comme cette scène où le petit garçon qui n'est jamais allé sur des montagnes russes se retrouve sur le toit d'une voiture à pleine vitesse. Superbe représentation de la liberté ! De plus, le film dresse un portrait de l'Amérique inédit, dans le sens où il n'y a aucun jugement ni regard porté. C'est juste l'Amérique. Dans tout ce qu'elle est, d'injuste, mais aussi de libre. La photographie nous l'illustre impeccablement, à la fois rétro et solaire.
Je conseille ce film à tous, il n'a pas fini de nous surprendre et de nous questionner. Sur nous-mêmes comme sur l'histoire.