J'aime beaucoup le cinéma de Cameron Crowe, pour ses deux collaborations avec Tom Cruise (Jerry McGuire et Vanilla Sky) et surtout pour son magnifique film Almost Famous. Cameron Crowe a une sensibilité très personnelle et il excelle vraiment dans le cinéma "des bons sentiments". Il est aussi à noter que la BO a généralement une place très importante dans ses films. Un monde pour nous, sorti en 1989, nous donne un avant-goût de ce cinéma là.
Lloyd Dobler (John Cusack) est amoureux de Diane Court (Ione Skye), une fille trop belle et trop intelligente pour lui. Lloyd est un lycéen moyen sans grandes ambitions (contrairement à Diane) qui vit avec sa sœur plus âgée Constance (interprétée par Joan Cusack, sa sœur dans la vraie vie) et son jeune fils, tandis que ses parents sont dans l’armée américaine en Allemagne. Diane quant à elle vit avec son père James (l'excellent John Mahoney), qui dirige une maison de retraite lucrative. Diane devra choisir entre son Roméo (Lloyd) qui lui offre une sécurité émotionnelle qu’elle n’a jamais connue auparavant et son père qui s'oppose à cette relation ...
Diane reçoit une bourse prestigieuse en Angleterre, ce qui l'éloigne encore plus de sa relation avec LLoyd, qui lui avance sans buts précis, tandis que son père fait l’objet d’une enquête de l’IRS pour mauvaise gestion et fraude à grande échelle.
Premier film de Cameron Crowe, Un monde pour nous est une comédie romantique qui s'inscrit parfaitement dans la filmographie de son auteur. Mais comme pour beaucoup de films des années 80, il a malheureusement assez mal vieilli (sur la forme, comme sur le fond). Le film met en vedette le très bon John Cusack, qui se révèle être la seule véritable bonne raison de regarder ce film. Il nous offre une fois de plus une performance très riche, pouvant alterner entre grandes envolées lyriques et petits moments d'une grande vulnérabilité.
Il n’y a rien à reprocher de particulier au film. Il y a un vague plaisir à repérer de futures acteurs en devenirs qui sont très jeunes ici (Eric Stoltz, Jeremy Piven, Lili Taylor). Le scénariste et réalisateur Cameron Crowe tente d’incorporer quelques dispositifs formels originaux dans un cadre généralement naturaliste, comme le chœur de l'amitié (on se croirait dans une tragédie grec) des trois copines de Lloyd et les séances de conseils nocturne avec ses potes masculins.
Le film est légèrement subversif sur les bords, car Cameron Crowe semble vouloir ici explorer les affres de la relation brisée. Ainsi, les parents de Lloyd sont absents et sa sœur est séparée, tandis que ceux de Diane sont divorcés. On pourrait suggérer que les peurs et l’absence de but ressenties par les jeunes dans le film, s'expliquent par l'absence de parents pour les guider. Les parents sont les coupables ici et dans le cas de Diane et de son père, horriblement coupable. De plus Lloyd est un père de substitution pour le fils de sa sœur avec qui il habite. Diane devra elle aussi se libérer de la pression exercée par son père, pour enfin voler de ses propres ailes.
Le film se construit sur l'inversion des rôles. Au départ, en tant que héros masculin par excellence, Lloyd semble jouer le professeur pour Diane (malgré qu'elle soit plus intelligente que lui). Il lui montre comment s'entourer d'amis (Diane étant très solitaire), comment atteindre se détacher de son père, comment conduire ... mais à la fin, il l'accompagne en Angleterre et elle est enfin autorisée à mener sa carrière comme bon lui semble. De plus, un film américain des années 80 qui montre le départ des ses héros pour l’Europe, suggère peut-être une quête pour se libérer de la corruption, de l’incertitude, du conformisme et du capitalisme américain. Au final, le film se termine sur le déséquilibre du couple et sur le doute.
Le problème que j'ai avec Un monde pour nous, est double. Le film est plombé par trop de facilités scénaristiques et par un manque criant d’humour. C'est tellement convenu, qu'on devine tout à l'avance. Tout semble fake, non pas que ce soit surjoué, mais encore une fois c'est trop convenu pour qu'on y croit vraiment ... ça sonne faux, quoi ! Ensuite Cameron Crowe use et abuse des codes éprouvés du cinéma des années 80, comme utiliser la musique de Phil Collins pour souligner l’émotion, c'est tellement facile. Et puis tout le film est d'une telle platitude dans la mise en scène, au point où ça donne vraiment l'impression d'être devant un téléfilm.
Ensuite, le manque d’humour est le défaut fatal pour toutes comédies romantiques dignes de ce nom. Une comédie romantique, c'est sensée être drôle, non ? Certes, c'est une romance, amis c'est aussi une comédie, nom de Dieu ! Tout le film tire vers le mélodrame et oh mon Dieu, que ça se prend au sérieux. Les personnages du films sont tellement focalisés sur leurs angoisses, que ça en devient ridicule.
Cameron Crowe est capable du meilleur (Almost Famous) comme du pire (Elizabeth Town). Un monde pour nous se situe entre les deux, pas fantastique, mais pas catastrophique non plus ... une gentille comédie romantique inoffensive, quoi !