Le climat social est actuellement extrêmement tendu en France. Le mouvement des Gilets Jaunes, initié fin 2018, a marqué un sommet dans les tensions, menant des milliers et des milliers de personnes à descendre dans les rues pour revendiquer leurs droits à travers tout le pays. C’est le point de départ d’Un pays qui se tient sage, documentaire de David Dufresne, actuellement en salles, dont le sujet et les retours élogieux donnaient envie d’en savoir davantage.
Le point de départ de la réflexion proposée par ce film, ce sont les violences policières constatées lors du mouvement des Gilets Jaunes, ou même en général, en partant notamment de la phrase de Max Weber, « L’Etat détient le monopole de l’usage légitime de la violence. » Avec ce mouvement, quelque chose a changé, quelque chose s’est construit, et quelque chose s’est cassé aussi. Et ce point de départ ne va pas être celui d’une simple dénonciation de ces violences, mais bien d’une prise de recul progressive sur ces dernières, pour tenter de comprendre leur origine, leur sens et ce qu’elles traduisent.
La forme du documentaire est volontairement assez simple, avec des extraits de films amateurs réalisés lors des manifestations qui interviennent entre des sessions de réflexions, d’échanges ou de témoignages de personnes d’horizons divers. Des horizons qu’on ne peut que deviner, les noms et fonctions des intervenants étant volontairement cachés, pour permettre au débat d’être le plus neutre possible, d’éviter au spectateur d’être influencé par d’éventuels biais. C’est ainsi qu’Un pays que se tient sage parvient d’une manière tout à fait remarquable d’associer dissertation théorique et recueil de témoignages pour permettre au spectateur de prendre de l’altitude sur des sujets, ce dont on le prive bien souvent.
Journaliste de métier, qui a notamment travaillé sur le recueil de nombreux témoignages lorsque le mouvement des Gilets Jaunes était à son plus fort, David Dufresne inscrit ainsi son travail de base dans un travail plus large sur l’état de santé de notre société. Car si son documentaire est très engagé, il n’est pas spécialement orienté, sa démarche ayant été de multiplier les points de vue et d’élargir son sujet au fur et à mesure pour bien en cerner tous les tenants et aboutissants. Et le réalisateur parvient à donner du poids à cette réflexion, grâce à des images (parfois insoutenables) et des phrases qui s’impriment dans l’esprit du spectateur. Le tout parvient à être cohérent, dense et percutant pour venir nous heurter et nous faire prendre conscience.
Un pays qui se tient sage est un film qu’il est chaudement recommandé de regarder, pour la qualité, la pertinence et l’objectivité de la réflexion proposée, qui évite la prise de parti et qui nous invite à penser au monde qui nous entoure, à son fonctionnement et à ce vers quoi il tend à évoluer. Avec ce film, on pense aussi aux Misérables, de Ladj Ly, qui avait recours à la fiction pour également nous réfléchir sur ces sujets d’actualité, qui nous concernent tous. Un pays qui se tient sage fait l’effet d’une claque qui nous secoue, et qui offre une perspective nécessaire pour appréhender ces sujets.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art