La Révolution imaginaire de Pierre Schoeller..

Étrange objet que ce film d'une grand beauté plastique et d'une naiveté narrative à la fois touchante et simpliste. Les éclairages sont magnifiques (lumières des chandelles, apparition du soleil derrière la Bastille) et nombres de séquences sont des tableaux d'une théâtralité soignée. L'interprétation des comédiens judicieusement choisis est cohérente et sincère mais les dialogues quelque peu "actualisés, voire un brin racoleurs sont peu crédibles. Ces gens du peuple sont déjà tellement conscients politiquement que l'on se demande bien s'ils n'ont pas lu Marx avant sa naissance. C'est un peuple idéal, auquel on est fier d'appartenir, qui porte dans son patrimoine génétique le sens de la justice et la tendance Rousseauiste à la bonté naturelle et au pardon . Il aime son roi ce peuple, à condition qu'il revienne à Paris et ne cherche pas à s'enfuir..Mais ce roi n'appartient à aucune catégorie sociale, il n'est ni un puissant, ni un possédant, ni le chef de l'Aristocratie (bien peu représentée dans ce film) ..non, il est LE ROI. Bientôt on le nommera Le Tyran, l'Ennemi, mais le film évite soigneusement d’évoquer les étapes de ce changement de statut. Parfois on se croirait au Théâtre du Soleil, avec des lavandières qui chantent l'avenir du roi en essorant leurs draps dans une Seine qui n'a sans doute jamais été aussi claire.Qui ne connaitrait rien de l'Histoire de France et de cette période en particulier pourrait ne pas comprendre pourquoi un si "bon peuple" veut raccourcir un roi somme toute fort accommodant qui signe tout ce qu'on lui demande et semble totalement déconnecté des evenements intérieurs et extérieurs. Certes, le morceau est énorme et l'on ne demande pas à une œuvre de fiction fut-elle à base historique de se révéler être une documentaire..Toutefois et ce malgré les qualités évoquées on ne peut s’empêcher de ressentir cruellement le manque du levain révolutionnaire (la misère, l'injustice,) et de ses corollaires qui n'ont rien de didactique : la colère et la violence. Dans ce film, même l'insurrection est disciplinée et réfléchie. Cela me donne envie de revoir le Danton de Wajda qui m'avait bouleversée..On y sentait davantage la sueur, la crasse et la boue. Le sang qui ruisselait de la guillotine n'avait rien de sacré mais donnait la nausée..Certes, ici ce n'est pas encore La Terreur, mais on peine à croire à ce qui va advenir tant cette révolution , malgré cette décapitation royale est prometteuse et bienveillante.. On assiste à une vision d'Image d'Epinal d'un moment crucial et brutal de notre histoire. Au final, il y a plus de forme que de fond dans ce film très maitrisé et agréable à regarder,mais qui n'apporte pas un regard neuf sur ce régicide devenu comme le prédit l'un des personnages après la sentence : la mauvaise conscience du peuple français "dans mille ans vous le regretterez encore !"

LADYA
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le 29 sept. 2018

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