Ce film me laisse songeur, très songeur à la fin de la séance. J'ai beaucoup ressneti les choses et cela me montre combien Pierre Schoeller sait ne pas se faire détester. C'est un bon documentariste et un bon symboliste/allégoriste. Son recours à la vision onirique vient contrebalancer la vindicte et la vindicte trouve sa légitimité dans la bouche de quelques tribuns qui, pour ou contre, sympathiques ou antipathiques avec le peuple, n'ont qu'un but : instrumentaliser les millions de vies qu'ils disent représenter.
Si le film pose bien l'histoire selon Philippe Le Guay et Pierre Schoeller (zéro historien sur ce film à ma connaissance), il ne le pose pas en tant qu'ouverture sur d'autres questions tout aussi troublantes que le processus de mort et de révolution. Le film oscille selon moi entre l'Histoire pontifiante des manuels scolaires de la République et la volonté d'amener le récit de la Nation dans la bouche du peuple pour les voir enfin vivre tous ces gens, le vivre avec leurs vérités à dire, leurs vérités dans l'action politique. On ne peut pas prétendre que le film prend le parti des sans-culottes comme je l'ai lu, ce serait un pieux mensonge. C'est tout le contraire. Au mieux, c'est une branlette pour militants de la France Insoumise ; ils adorent les tribuns, les gens si compétents et si travailleurs qu'ils seraient prêts à vendre l'insurrection comme on vend de la lessive. Pourvu le civisme !
De là à dire que le film est une énième usurpation, je n'irai pas jusque là. Il fait parti des films qui rendent un peu d'histoire aux gens tout en les faisant réfléchir. C'est une très belle invitation. Une invitation à penser autrement et à faire des liens. Une invitation à faire pâlir les prédicateurs actuels de l'impossibilité révolutionnaire, des obstacles à la grève, à la synchronicité des luttes sociales, ou mieux à leur internationalisation. C'est aussi l'occasion de voir et revoir "La Commune (Paris, 1871)" de Peter Watkins qui, s'il ne parle guère de la Révolution Française, a eu le mérite de planter sa caméra là où j'estime elle devrait être : au milieu du monde et non dans les couloirs dorés filmant la pitié cinglante qu'on peut éprouver pour un tyran - voilà ce que je répondrais au charmant courrier de Robespierre au milieu du film.
J'ai tenté le point de vue sur ce film pas facile à appréhender, on a vite fait de sombrer dans l'orgueil par manque de connaissances. Par contre, force de constater que faire descendre un mythe, c'est porter le mythe. Schoeller perpétue le songe républicain, sans doute dans un contexte intéressant car on vit en 2018 dans la défiance permanente pour cette République française. A partir de là, il y a un parti pris qu'on peut critiquer même si je m'y connais autant sur cette période qu'un ornithorynque sur la physique quantique et c'est ce que j'ai fait ici.