Il n’y a pas que la neige qui fasse le lien entre Un plan simple et Fargo : on ne cesse se penser à son frère ainé au visionnage de ce petit joyau noir de Sam Raimi, dans sa période de transition entre le film de genre et les blockbusters de la trilogie Spiderman à venir.
Un plan simple semble régner sous le principe du malin plaisir. Sur le canevas éculé du magot trouvé par hasard et modifiant les petites vies minables des bienheureux, le récit s’accorde à caractériser des personnages bien trempés, bouseux neigeux qui font pencher un temps la tonalité du côté de la comédie grinçante. On retrouve ici la même maladresse que chez les frères Coen, à la différence que le personnage principal, incarné par Bill Paxton, se place comme un pivot de raison et de bon sens, américain et pragmatique jusque dans sa mâchoire, autour duquel le duo du frère demeuré, sorte de nouvelle mouture du Lennie de Steinbeck dans Des Souris et des Hommes et de son acolyte poivrot s’acharnent à lui mettre des bâtons dans les roues. C’est là l’une des évolutions les plus pertinentes du scénario : effriter progressivement ce vernis du référent et humaniser la loque qui lui sert de frère, un Billy Bob Thornton splendide de fragilité pathétique. Pour ce faire, c’est par le rôle de l’épouse que tout se délite, Bridget Fonda en potentielle Lady Macbeth, qui donne naissance en même temps qu’elle révèle sa vénéneuse vénalité, mais aussi des incursions dans le passé familial qui dévoilent les zones d’ombre d’une histoire qu’on va pouvoir, croit-on, réécrire par le pouvoir de l’argent facile.
Manipulation, mensonges, alliances et chantages gangrènent tous les échanges jusqu’à étouffer toute possibilité d’issue, et cette oppression est la grande réussite de film aussi noir qu’est blanche la neige, écran sur lequel les giclées rouges vont se faire de plus en plus nombreuses.
Si les deux éléments de résolutions semblent assez grossiers et brisent un peu la belle dynamique du pire enclenchée depuis le début,
(Spoil : franchement, Hank semble très facile à convaincre pour exécuter son frère, de la même façon que cette méthode rendant inutilisable les billets semble facile au point de désactiver toute entreprise criminelle – et donc bon nombre de scénarios policiers - à venir…)
la mécanique du pire et du médiocre fonctionne bien, ménageant son lot de suspense et une incarnation des personnages sur la durée qui les rend aussi repoussants qu’efficaces.