Pour son cinquième passage derrière la caméra, Jacques Audiard délaisse le thriller pour s'attaquer au drame carcéral en racontant l'histoire de Malik, jeune arabe illettré au service de la mafia corse qui va au fil des années grimper lentement les échelons pour en devenir le roi comme Tony Montana ou Henry Hill avant lui. D'abord un larbin effarouché par ces mafieux intimidants qui lui offrent une protection finalement bénéfique au sein de la dangereuse prison, Malik va petit à petit apprendre, apprendre à lire, à écrire, à réfléchir et à s'affranchir, montant de son côté un véritable réseau de drogue.


Audiard étale donc sur plus de deux heures de bobine le parcours extraordinaire d'un moins que rien qui va devenir quelqu'un, un Arabe fragile qui va devenir fort, un pion qui va devenir manipulateur. Ainsi, sans prendre parti pour qui que ce soit, le réalisateur nous offre une poignante et désenchantée vision du monde de la prison française. Sa mise en scène est sobre, esthétique, violente, glacée, avec un réel souci de réalisme contrasté par une flopée de plans léchés magnifiquement mis en boîte par le réalisateur parisien. Les cadrages oniriques, les ralentis majestueux et la magnifique photographie de Stéphane Fontaine apportent également au long-métrage son lot de splendeur, épaulant un scénario malin, passionnant, sans esbroufe ni caricature.


On est donc immédiatement happé par cette histoire d'ascension sociale quasi-diabolique où une simple petite frappe à peine majeure va prendre sa revanche sur la vie elle-même en changeant littéralement son destin. La force du long-métrage réside donc principalement dans son scénario électrisant, ses dialogues justes et naturels ainsi que, bien sûr, dans son interprétation, la palme allant de droit à la révélation Tahar Rahim, accompagné par l'excellent Niels Arestrup (qui retrouve Audiard après De battre mon cœur s'est arrêté) et le très convaincant Adel Bencherif. Ainsi, en mélangeant aussi bien le drame carcéral et le film noir, Un Prophète s'avère être un véritable choc et un gros coup de cœur dont on ne voit pas le temps passer. À voir absolument.

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le 3 avr. 2019

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