Jacques Audiard ! Par où commencer avec ce réalisateur ? Et bien mon histoire avec lui ne s'est pas déroulé de la meilleur des façons. Il a toujours été un réalisateur énigmatique pour moi et je n'avais vu aucun de ces films avant de me lancer dans la critique. J'ai donc été voir De Rouille et D'Os, adulé par presque tout le monde et...que je n'ai absolument pas aimé. Je l'ai même objectivement trouvé mauvais par son histoire et ses personnages, mais bizarrement j'ai bien apprécié le style du réalisateur, qui méritait pour moi son prix, parce que sinon, le film est affreusement surestimé de mon point de vue. Donc il me fallait autre film afin de me convaincre et c'était celui-ci. Résultat ? On va voir ça !
Un film impressionnant et coup de poing
Pour le deuxième film que j'ai vu de Jacques Audiard, c'était génial. Ce film est excellent. Il est bon en terme de mise en scène, il est bon en terme de réalisation et l'histoire est enfin intéressante ! Là où De Rouilles et d'Os possédait une histoire avec un bon potentiel et qui ne restait que potentiel, Un Prophète est film maîtrisé de bout en bout. Pas une seule fraction d'image, pas un seul élément scénaristique n'est vraiment mauvais. Bon il y a bien quelques tic par-ci par là
genre pourquoi Malik au début du film essaye de s'opposer aux prisonniers qui lui ont volé ces baskets
mais rien de vraiment gênant. Néanmoins, si je veux vraiment chipoter, c'est plutôt l'utilisation assez aléatoire de la musique (du plutôt bon groupe Sigur Ros, les mêmes que l'animé Dragon) et ... la manière dont s'exprime les protagonistes maghrébins.
Oui, je trouve leur manière de s'exprimer complètement inconsistant; pourquoi ils parlent tantôt français, tantôt arabe dans la même phrase ? Au départ, je peux comprendre pour Malik, il ne sait pas parler français, mais ensuite ? Un coup il parle arabe, un coup il parle français dans la même conversation ? Il ne pouvait pas s'exprimer dans la même langue tout le long ?
C'est peut-être voulu par le réal mais moi je ne trouve pas ça aussi top que prévu. Et ...ben c'est tout. Sinon, le reste du film est une tuerie. Il nous immerge bien dans l'Univers carcéral français avec une violence vraiment bien crue. Cela n'a rien à voir avec la Ligne Verte qui jouait plus la carte de l'émotion ou l'Evadé d'Alcatraz qui montrait un univers assez gentillet (et c'est pareil pour les Evadés). Ici, c'est la vraie prison dans son aspect la plus crue (ceci dit les 3 films précités sont à voir. Ce sont 3 excellents film que je vous recommande. Enfin, sauf l'Evadé d'Alactraz qui est moins bon que les autres, même s'il reste divertissant). L'histoire de Malik est ici une histoire de survie et, au début, se voit contraint d'être soumis aux exigences de César, et il ne doit compter que sur sa détermination pour devenir au final quasiment Calife à la place du Calife. L'histoire racontée est géniale et est due en grande partie grâce à la performance des acteurs principaux et secondaires.
Le Père, le Fils et la Court des Miracles
Tout d'abord nous avons le cas de Malik El Djebena joué Tahar Rahim. Il est excellent et il nous fait bien ressentir de l'empathie pour lui et ses malheurs. Rien ne lui est épargné et il devra prendre tous les risques pour satisfaire les exigences de César (joué par Niels Arestrup) mais en essayant de s'en sortir et en développant son propre réseau d'influence. Allociné l'a qualifié d'Oliver Twist du film. Ce qui n'est...pas approprié dans son cas. Oliver Twist est un personnage qui subit presque tous les malheurs du monde, à l'image de Rémi dans Sans Famille. Malik n'est pas aussi résigné que les 2 autres personnages et surtout, n'est pas un idiot. Il est très intelligent et utilise toutes ses ressources pour s'en sortir et il y arrive très bien au final, même s'il prend tous les risques. C'est mon personnage préféré du film.
César Luciani est le genre de personnage qu'on adore détester. Il est antipathique, à la main mise sur tout ce qu'il y a dans la prison et use d'une influence considérable sur Malik. Il est intéressant que les 2 finiront par nouer un semblant de relation père - fils;
mais loin de faire une paire d'amour filiale, c'est plutôt à une relation de père tyrannique avec son enfant qui finira par coûter cher au père. Et sa destitution était purement jouissif. Du grand art !
Les autres personnages ne sont pas très intéressants dans le film au sens large (sauf Djamila, jouée par Leïla Bekhti). Ceci dit chacun à un rôle à jouer à un moment ou à un autre dans le récit : Reyeb (Hichem Yacoubi) avec qui il nouera une relation éphémère, Jordi (Reda Kateb) qui lui sera indispensable lors de ses courts d'économies, Ryad (Adel Bencherif) avec qui il entretiendra une relation un peu plus durable, etc etc. L'histoire qui se concentre à 80% sur Malik et à 20% sur César est construite de manière à ce que chacun des personnages secondaires ajoute une pierre à l'édifice à son plan secret. Mais j'y reviendrai plus tard
Comment Iznogoud aurait du faire
Concernant, l'histoire en elle même bien que j'en ai beaucoup dit précédemment avec la réalisation, je n'ai pas souligné le plus intéressant, à savoir, la monter en puissance de Malik dans la prison. Méthodiquement, mission après mission, on le voit s'émanciper et sortir de plus en plus de l'ombre de César, même si pendant tout le premier tiers ce n'est pas très visible. Les ellipses temporelles qui existent tout le long du récit participe à cette monté en puissance. Je reprocherais plus le grand écart temporelle de manière subjective car je les trouve vraiment longue; ceci dit en y réfléchissant, ces écarts font sens : la métamorphose n'est donc ni brutale, ni soudaine pour Malik mais progressive.
Bien entendu César ne sera pas dupe et leur face à face sera violent bien que pas très homériques. En plus du sacré retour de bâton qu'il recevra. Malik a réussis à le destituer et en plus sort de prison par la grande porte avec en main les rênes du trafique de César.
Ce parti pris de l'histoire est vraiment bien maîtrisée et montre un vrai changement du personnage de Malik au final, qui est vraiment différent de ce qu'on l'a connu.
Sa détermination lui a permis de s'émanciper totalement du joug de César et il est devenu un homme nouveau et heureux au final.
Jacques Audiard m'a conquis
Bref, après un de Rouilles et d'Os que j'ai trouvé décevant et surestimé, un Prophète tient en revanche toutes ses promesses et je ne regrette pas de l'avoir vu. Bien évidemment, comme tout homme averti en vos deux, ce film est vraiment violent et déconseillé aux âmes sensibles. Parole de Prophète !
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