Un Roi à New York est le film d'un homme qui n'a plus rien à prouver. Complètement libre dans sa forme, allant du burlesque pur (la longue séquence du doigt dans la lance à incendie, ou celle de l'école libre), à l'espièglerie de ses premiers films (la scène muette dans la salle de bain de l'hôtel, toutes en mimiques très chapliniennes), en passant par le drame (et le jeune Rupert forcé de dénoncer les amis de ses parents), il l'est également dans le fond, le film étant une satire acerbe des Etats-Unis du McCarthysme et du capitalisme triomphant de l'après-guerre.
Chaplin règle ainsi ses comptes avec le pays qui l'a expulsé quelques années plus tôt, le présentant comme une dictature, avec police politique (le détective de l'hôtel qui suit le roi à la trace), procès politiques (ici les procès du mccarthysme sont explicitement cités) et toute-puissance d'institutions arbitraires et absurdes (condamnant les inculpés pour outrage à la cour au moindre prétexte). Plus encore, il présente la société américaine, puritaine et moraliste via un système politique autoritaire d'un côté, comme une société décadente de l'autre, où le peuple abruti par les médias de masse et les dernières innovations publicitaires danse avant de voir des films tous plus stupides les uns que les autres.
Après s'être fait voler tout son argent volé par un de ses ministres à son arrivée, le roi escroc du début, héros ambivalent dans la lignée d'un Monsieur Verdoux, finit par être tenu en laisse par les publicitaires vantant ses talents d'orateur et nous apparaît ainsi progressivement comme quelqu'un de sympathique, comptant ses sous pour pouvoir rester à l'hôtel. Un Roi à New York, c'est donc à la fois une star de télévision et en même temps, un terme vide de sens : un roi à New York reste un consommateur.