Alors réalisateur prometteur pour la Shaw Brothers, remarqué notamment grâce au succès du Trio magnifique, Chang Cheh cherche, à la fin des années 60, à renouveler le cinéma d'action, à le faire sortir de ses codes étriqués. Il décide alors d'adapter librement la célèbre série de romans de Jing Yong, The Mythical Crane Hero, donnant ainsi naissance à la trilogie du sabreur manchot.
Premier volet de cette trilogie, Un seul bras les tua tous reste encore ancré dans une certaine tradition, celle du wu xia pian aux décors théâtraux, aux sentiments exacerbés et aux personnages caricaturaux. Le film de Chang Cheh souffre ainsi d'un scénario prévisible et de sacrées longueurs, accusant de plus une poignée de rides.
Parfois manichéen et souvent naïf, Un seul bras les tua tous marque cependant une certaine rupture, imposant doucement mais sûrement un ton, la patte d'un metteur en scène bien décidé à en découdre et à sortir le public de son confort habituel. Derrière sa façade de film grand public et académique, ce premier volet étonne par sa violence graphique soudaine et surtout, par la cruauté qui caractérise le chemin de croix du héros.
Incarné avec une implication qui force le respect par l'irascible Jimmy Wang-Yu, le sabreur manchot est un personnage tragique et fort, subissant les pires humiliations mais se relevant toujours, capable même de pardon et de compassion face à des adversaires pourtant sacrément fourbes. Un aspect qui pourra d'ailleurs en énerver plus d'un, tant certains seconds rôles sont tout bonnement à baffer, à l'image de l'insupportable Pan Ying-Zi.
Malgré les quelques réserves que l'on peut avoir à son encontre, Un seul bras les tua tous est une prometteuse entrée en matière, un wu xia pian plus violent que ne le laisse supposer ses atours de grand film commercial. Un spectacle formellement réussi et proposant son lot de scènes d'action diablement efficaces.