Le poids des mots, le choc des photos

Le journaliste n'est-il qu'un oeil impartial ? Sur cette idée simple, le réalisateur et ses scénaristes ont réussi un docu-drame en forme de témoignage-spectacle au réalisme percutant qui évite le film à thèse en feignant de jouer la neutralité. Depuis longtemps, Hollywood a dépeint avec passion le rôle de la presse et de ses journalistes, et justement, le réalisateur décrit l'aventure de 3 d'entre eux plongés dans une de ces guerres civiles qui font régulièrement la une de l'actu (ici le Nicaragua). Le portrait qu'il dresse est saisissant : ils sont animés par la passion, aiment se trouver là où l'action les pousse, ils commentent les conflits, photographient l'horreur, protégés par leur cynisme et une cuirasse d'indifférence, tout en cultivant leur objectivité. Ils voient tout et ne participent à rien. Mais sans cette carapace, le journaliste n'est plus infaillible, il peut aussi tricher, et c'est là où la neutralité est impossible dans l'atrocité de certains conflits.
A Hollywood, on a l'art de rendre vraisemblable ce qui ne l'est pas, car il est certain que dans la réalité, un reporter qui prendrait les risques inutiles que prend Nick Nolte, se ferait descendre en un rien de temps ; un bon réalisateur hollywoodien doit donc empêcher le spectateur de se faire cette remarque, et le persuader que l'attitude de Nolte est finalement la seule possible. Il faut miser sur la vérité de l'émotion, et c'est exactement ce que fait Roger Spottiswoode, il reconstitue la guérilla du Nicaragua au Mexique, entremêle des séquences tendues et d'action avec un écheveau sentimental, et filme simplement l'exécution d'un reporter par la police ; on y croit, on marche et on frémit car ça permet d'avoir une vision des événements telle que les hommes de terrain peuvent la ressentir.
Le tourbillon insensé et cruel de cette guerre est traversé par quelques scènes spectaculaires qui amènent aussi une réflexion amère, tout en dénonçant la politique extérieure américaine, le rôle de la CIA ou celui des mercenaires qui vendent leurs services aux plus offrants, et dont le personnage de Ed Harris en montre un portrait édifiant (rôle qui fut remarqué en 1983). Nick Nolte, Gene Hackman et Joana Cassidy campent des personnages de reporters très justes en apportant une dimension humaine au scénario, où apparait le temps d'une scène un étonnant Jean-Louis Trintignant dans le rôle d'un Français magouilleur. Un film passionnant, intelligent et bien ficelé.

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le 8 avr. 2017

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Ugly

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