Le cinéma de David Robert Mitchell semble hanté par le concept de la fin, avec tout ce que cela comporte de mélancolie, de tristesse mais aussi de renouveau. Avec The Myth of the American Sleepover, c'est l'enfance qui s'enfuyait, celle, encore rêveuse, qui se heurtait cependant à la réalité de la vie et des sentiments éprouvés. It Follows, lui, dessinait la fin de l'innocence sexuelle, tout en invitant à goûter, à se tromper et à jouir pleinement.
Under the Silver Lake s'attaque à une nouvelle génération : la génération X étranglée par les illusions qui l'animaient, ses rêves auxquels elle aspirait, son désenchantement et son brutal retour sur terre, tout près de l'usine à rêves. Tout sauf un hasard.
Cette génération est filmée en errance, apathique, en plein mythe de l'american sleepover perpétuelle des fêtes pour initiés et gosses paumés qui jouent à être quelqu'un, dans un règne des apparences qui prend la pose.
Cette génération et la ville sont littéralement hantées, tant par les ombres de dog killers que celles de légendes urbaines nageant dans les eaux argentées du fantastique le plus pur, en recherchant les derniers souffles d'une pop culture crépusculaire en forme de fantasme permanent, qui semble sur le point de s'éteindre, tant elle suinte une forme de désenchantement qui souille les âmes.
Au point, pour Under the Silver Lake, de prendre des accents méta parfois vertigineux, soutenant l'étrangeté du chemin emprunté par Andrew Garfield. Dommage seulement que David Robert Mitchell ne soit pas allé jusqu'au bout de ce qu'il semblait promettre. Car son dernier film est le miroir le plus parfait de ce qu'il y a de plus envoutant et de plus irritant au cinéma aujourd'hui, versant constamment entre les sentiments procurés par deux scènes clé de l'oeuvre, deux face-à-faces diamétralement opposés.
Car le méta lié au désenchantement de la pop-culture se rapproche de ce que peut procurer le monologue du personnage de l'architecte, celui de Matrix Reloaded, formidable, absurde et follement emballant à la fois. Mais seulement quelques minutes plus tard, dans une scène expliquant le pourquoi de son affaire et la recherche de la belle disparue, Under the Silver Lake déçoit, tant ses raisons constituent un violent retour sur terre reniant en partie l'aspect fantastique, erratique, morbide et un poil déglingué de l'entreprise. Le tout dans un "tout ça pour ça ?" qu'il n'est pas interdit de considérer comme meurtrier dans sa rationnalisation obstinée.
Under the Silver Lake vaudra donc bien plus par le voyage tortueux, enivrant et étincelant dans sa réflexion, que pour sa destination finale déceptive qui pourra être envisagée comme s'étalant un peu plus que de raison et retombant sur ses pattes difficilement. Si le film confirme que David Robert Mitchell est loin d'être un cinéaste comme les autres, il apparaîtra dans un même élan maladroit, parfois trop préparé dans son étrangeté pour totalement convaincre quant au trip proposé. Généreux, foisonnant mais aussi éparpillé et ayant peur d'embrasser dans son entier son délire fantastique.
Excitant et décevant à la fois, Under the Silver Lake n'est pas toujours à la hauteur des attentes qu'il avait suscitées. Mais en se montrant atypique et mystérieux, il se démarque cependant du tout venant cinématographique actuel, en proposant une réflexion amère et passionnante de ce qui le nourrit constamment.
Behind_the_Mask, qui nage en eaux troubles.