Elle est là, ma grosse attente du Festival de Cannes. Après le très bon It Follows, sorti il y a trois ans déjà, David Robert Mitchell s’est mis beaucoup de cinéphiles dans la poche, et il faut dire que le teasing accordé à Under The Silver Lake était dans la digne lignée de son prédécesseur, avec beaucoup de promesses à la clé. Alors, ce film est-il à la hauteur des attentes suscitées ? Totalement. Le réalisateur ne perd pas son temps et embarque immédiatement le spectateur dans son film, avec une ambiance décalée et étrange, qui va habiter tout le film. Il est impossible, après un seul visionnage, de donner une analyse exhaustive et de résumer Under The Silver Lake tant le film regorge de détails et d’éléments de discours méritant chacun d’être étudiés avec soin. Mais dans son ensemble, le film de David Robert Mitchell doit beaucoup à un savant travail sur l’ambiance, la narration et la construction du récit qui lui donnent beaucoup de substance et de singularité.


Une singularité certes toute relative compte tenu de l’aspect très référencé du film, qui pioche beaucoup chez Hitchcock où l’on trouvera notamment des bribes de Sueurs Froides, et surtout chez Lynch, avec un inévitable rapprochement avec Mulholland Drive, notamment. David Robert Mitchell marche sur les traces de son aîné, parvenant à restituer une ambiance tout à fait particulière à la fois loufoque, sombre, mystérieuse et obscure, avec des personnages très identifiés et identifiables, tous semblables à des allégories toutes droit sorties d’un étrange rêve. Tout paraît vrai mais, en même temps, ce grotesque permanent impose de faire appel au filtre du second degré pour faire un pas en avant et capter toute la symbolique du complot et d’un système oligarchique et étouffant qui domine le système. A ce jeu, David Robert Mitchell semble également s’inspirer du They Live de John Carpenter, avec cette même peur des messages subliminaux et de la manipulation des esprits.


Accumuler ces références semblerait donner au film de David Robert Mitchell l’allure d’un patchwork sans âme, mais nous en sommes loin. Under The Silver Lake a son identité propre, on y retrouve les mêmes mouvements et la même manière de filmer que dans le précédent film du cinéaste et, ici, tout est à plus grande échelle. La musique, tout à fait captivante et particulière, rappelle l’instrumentalisation et la mélodie de vieux films fantastiques et de science-fiction donnant un côté très vintage et beaucoup de vintage à ce film qui s’inscrit dans le même aspect intemporel et retro qu’It Follows. C’est un peu une sorte de BD vivante, une aventure grandeur nature, qui semble autant détachée qu’elle s’avère parfois plus grave et inquiétante par son propos. Un mélange tout à fait singulier qui fait la particularité de ce film.


Avec Under The Silver Lake, David Robert Mitchell transforme l’essai et confirme son statut de réalisateur à suivre à l’avenir. Il y a fort à parier qu’il ne ravira pas la palme d’or, mais ce n’est que partie remise, car le public va très certainement l’attendre d’ici sa sortie cet été. Tortueux, obscur, sombre, mystérieux et labyrinthique, Under The Silver Lake est une satire folle a l’ambiance fantastique et prenante. On ne décroche pas une minute, c’est fou, c’est insensé mais pourtant d’actualité et bien réel, c’est du cinéma comme on aime en voir, qui contourne les évidences, et qui ose sans jamais tomber dans le prétentieux ou s’éloigner de son discours. A n’en pas douter, Under The Silver Lake est une réussite.

JKDZ29
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Vus en 2018 : Explorations filmiques et Les meilleurs films de 2018

Créée

le 19 mai 2018

Critique lue 337 fois

7 j'aime

JKDZ29

Écrit par

Critique lue 337 fois

7

D'autres avis sur Under the Silver Lake

Under the Silver Lake
Vivienn
8

Everything in Its Right Place

Il y avait déjà, dans It Follows, une proposition de cinéma qui allait bien au-delà de sa simple réussite « horrifique ». Derrière ses terrifiants panoramiques, derrière son malin discours sur le...

le 9 août 2018

143 j'aime

10

Under the Silver Lake
mymp
4

Bla Bla Land

On pourrait faire un jeu pour commencer, histoire d’annoncer la couleur, en tentant de deviner de quel film est tiré le scénario suivant : un personnage a raté sa vocation d’acteur(trice) à...

Par

le 15 août 2018

86 j'aime

5

Under the Silver Lake
Velvetman
8

Inherent Pulp

Après le succès It Follows, David Robert Mitchell revient au Festival de Cannes, en sélection officielle, avec son polar noir et psychédélique Under the Silver Lake. Un film qui revisite le mythe de...

le 7 août 2018

84 j'aime

1

Du même critique

The Lighthouse
JKDZ29
8

Plein phare

Dès l’annonce de sa présence à la Quinzaine des Réalisateurs cette année, The Lighthouse a figuré parmi mes immanquables de ce Festival. Certes, je n’avais pas vu The Witch, mais le simple énoncé de...

le 20 mai 2019

77 j'aime

10

Alien: Covenant
JKDZ29
7

Chronique d'une saga enlisée et d'un opus détesté

A peine est-il sorti, que je vois déjà un nombre incalculable de critiques assassines venir accabler Alien : Covenant. Après le très contesté Prometheus, Ridley Scott se serait-il encore fourvoyé ...

le 10 mai 2017

75 j'aime

17

Burning
JKDZ29
7

De la suggestion naît le doute

De récentes découvertes telles que Memoir of a Murderer et A Taxi Driver m’ont rappelé la richesse du cinéma sud-coréen et son style tout à fait particulier et attrayant. La présence de Burning dans...

le 19 mai 2018

43 j'aime

5