Après le glaçant It Follows, David Robert Mitchell continue de diviser avec un troisième film aux antipodes du conventionnel où un jeune homme se mène à enquêter sur la disparition d'une fille dans le Los Angeles énigmatique contemporain mais dont le temps semble d'être arrêté. On pense à David Lynch, aux frères Coen, à Shane Black, à Richard Kelly... On retrouve cette ville chaude et pourtant agressive, où le bizarre fait partie de la normalité, où l'on rentre aisément dans des soirées privées peuplées de stars en tout genre, où les jours ressemblent atrocement aux nuits.


Mitchell nous plonge dans un mystère épais comme le membre de Manuel Ferrara et ne nous lâche plus, quitte à déconcerter à l'extrême le spectateur le moins averti. Car Under the Silver Lake déroute assurément, va dans tous les sens, perd de plus en plus le spectateur au fur et à mesure qu'il progresse dans l'intrigue, intrigue par ailleurs inexplicable et sans fin : un jeune homme rencontre une fille qui disparait le lendemain, laissant derrière elle quelques indices qui vont mener le paumé Sam (génial Andrew Garfield) vers d'autres interminables indices, le faisant aller dans les endroits les plus reculés de Los Angeles, rencontrant des personnages tous plus extravagants les uns que les autres.


Un tueur de chiens qui sévit dans le quartier, des actrices sexy omniprésentes, un magazine fantasmagorique écrit par un auteur illuminé, un groupe de rock dont les paroles cachent un message codé, des références innombrables au cinéma et à la pop culture, une carte au trésor planquée derrière un paquet de céréales, des putois sauvages errants, un roi des clochards... On se croirait dans une histoire de Bret Easton Ellis. Sans cesse motivés par un héros aussi téméraire que déboussolé par son parcours sans fin, nous suivons cette intrigue déconcertante filmée avec une maestria époustouflante.


David Robert Mitchell se surpasse visuellement, le metteur en scène américain enchainant plans célestes et expérimentations dingues pour un résultat sans cesse beau et dynamique en dépit d'un rythme lancinant. Emmitouflé dans une bizarrerie difficile d'accès, au scénario aussi peu limpide qu'hypnotisant, Under the Silver Lake va partout et nulle part à la fois, alternant entre film étudiant contemplatif et thriller paranoïaque, guidant son spectateur vers des contrées inconnues afin de lui faire vivre, au même titre que son héros principal, un voyage initiatique interminable dont beaucoup n'y verront pas grand intérêt. Un petit chef-d’œuvre à ne pas mettre devant tous les yeux.

MalevolentReviews
8

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2018

Créée

le 6 sept. 2019

Critique lue 164 fois

4 j'aime

Critique lue 164 fois

4

D'autres avis sur Under the Silver Lake

Under the Silver Lake
Vivienn
8

Everything in Its Right Place

Il y avait déjà, dans It Follows, une proposition de cinéma qui allait bien au-delà de sa simple réussite « horrifique ». Derrière ses terrifiants panoramiques, derrière son malin discours sur le...

le 9 août 2018

143 j'aime

10

Under the Silver Lake
mymp
4

Bla Bla Land

On pourrait faire un jeu pour commencer, histoire d’annoncer la couleur, en tentant de deviner de quel film est tiré le scénario suivant : un personnage a raté sa vocation d’acteur(trice) à...

Par

le 15 août 2018

86 j'aime

5

Under the Silver Lake
Velvetman
8

Inherent Pulp

Après le succès It Follows, David Robert Mitchell revient au Festival de Cannes, en sélection officielle, avec son polar noir et psychédélique Under the Silver Lake. Un film qui revisite le mythe de...

le 7 août 2018

84 j'aime

1

Du même critique

Wonder Woman 1984
MalevolentReviews
3

Tant qu'il y aura des hommes

Toujours perdu dans une tourmente de décisions visuelles et scénaristiques, de décalages et de tonalités adéquates, DC Comics se fourvoie une nouvelle fois dans un total manque de cohésion et par...

le 26 déc. 2020

68 j'aime

6

Dune
MalevolentReviews
5

L'Épice aux étoiles

Attendu comme le Messie, le Dune nouveau aura été languissant avec son public. Les détracteurs de Denis Villeneuve s'en donne à cœur joie pour défoncer le produit à la seule vue de sa bande-annonce,...

le 18 sept. 2021

44 j'aime

5

Kaamelott - Premier Volet
MalevolentReviews
5

Les prolongations

Il l'a dit, il l'a fait. Plus de dix ans d'absence, dix ans d'attente, dix ans de doute, une année de retard à cause de la pandémie. Kaamelott a marqué la télévision, de par son ampleur, son aura...

le 20 juil. 2021

40 j'aime

10