Ces derniers temps, je m'intéresse de près à la représentation de la femme dans les films dits d'horreur ; la théorie du Monstrous-Feminine de Creed s'insère insidieusement dans mes visionnages. C'est rigolo mais la recherche universitaire me semble quelque peu vaine. A l'instar de ce philosophe qui, dans son avant-propos de son livre "Le cinéma d'horreur et ses figures", prévient que contrairement à ce que pourrait faire penser son métier, son travail n'est pas un essai philosophique sur le cinéma. Sacré menteur qui parle de Kant et Nietzsche pour expliquer en quoi The Thing est trop cool. Tais-toi donc vieil universitaire, ai-je envie de lui dire.

Pourtant, c'est rigolo la masturbation intellectuelle.

Tu vois, je pourrais tout à fait me lancer dans une interprétation non cinématographique d'Under the skin, fort inutile en soi, qui n'apporte rien au film et qui peut-être le dénature même. Je pourrais dire (avec des tas de spoilers) : "A l'image de Sisters de Brian de Palma, Glazer nous offre le double portrait d'une femme : la prédatrice - communément appelé la "salope" - et la proie. La première est lointaine, intouchable, porte un manteau de fourrure ; la seconde est faible comme une biché effrayée dans un bois, elle porte le manteau que lui tend un homme. Elle s'offre à lui, à cet homme lambda gentil, qui lui dépose un thé près de son lit, l'emmène visiter un vieux château et elle se retrouve sous ce corps masculin alors que le sien lui est totalement mystérieux. La transition entre ces deux femmes s'effectue lorsqu'elle se rend compte de son appétence horrible, la femme fatale aux lèvres rouges s'attendrit du monstre ; projection, etc. Par ailleurs, celle-ci est totalement insensible à l'instinct maternel et laisse une jeune orpheline face à sa mort océanique certaine. L'autre, la femme rangée, prête à s'engager dans l'idée de couple, hésite, s'enfuit et c'est bien ce doute identitaire (après avoir regardé son vagin) qui la transforme en potentielle femme violée, de la désirante à la désirée. Ce non-équilibre féminin s'explique alors par le corps extra-terrestre sous la peau. Oui, la femme est ainsi car elle n'est pas de ce monde, elle est autre.
Ce que Glazer ajoute ici, c'est la présence du motard - des motards, l'image de l'homme viril (voir à ce propos l'épisode de South Park The F* word) : la femme est ainsi à cause de l'homme qui la dirige ; mais lorsqu'elle se libère de son emprise, il s'affole, il ne veut pas que le monde connaisse la vérité, il brûle les preuves de son échec. La dominatrice était dominée depuis le début, la femme n'est libre que dans des flocons de neige."

Tu vois, ça fonctionne plutôt pas mal mais qu'est-ce qu'on s'en fout. Enfin, je me dis pour me rassurer qu'on s'en fout au niveau du cinéma pur mais qu'étant un média, il dévoile l'imaginaire collectif et que ça, c'est intéressant. Le problème de l'analyse serait alors la sur-interprétation des signes ou bien la multitude d'interprétations possibles - comme partout dans les sciences humaines. Tant pis, je m'entraîne pour l'instant, pour quand je serai docteur ès monstrous-feminine et que je me poserai encore la question de l'intérêt de ce que je fabrique.
slowpress
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le 2 juil. 2014

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slowpress

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