Tout est là.
Dès les premières secondes, tout est là.
Une musique folle, entrainante, une fanfare, des billets qui volent, des coups de feu anodins, la folie, le délire. Et surtout, des personnages uniques, grands, qu’on identifie à une vitesse folle.
« Je suis un homme libre. »
Tout comme pense l’être Blacky, personnage principal qui se permet les plus grandes folies, le réalisateur Emir Kusturica est ici absolument libre. Il va où il veut, fait ce qu’il veut, et c’est bien là une des qualités du film, car Kusturica est un génie. Aucun mal alors, pour le spectateur, de le suivre, et de se laisser emporter sans se poser de question.
Un point que j’aimerais aborder en premier, car il me paraît essentiel, est le jeu d’un acteur : Lazar Ristovski. Juste phénoménal. Il est aisé de parler de ses acteurs préférés en citant des artistes connus, reconnus, omniprésents. Lazar Ristovski a-t-il eu un autre grand rôle ? Non. Et c’est bien dommage car il est ici à l’origine d’une prestation tout simplement parfaite, jusque dans l’immortalisation de son propre personnage. Il a parfois des airs de Bill Murray, de Robert de Niro, de Robin Williams, mais ne le réduisons pas à des comparaisons : il est unique.
Immense.
Si quelques scènes vers le début du film peuvent paraitre trop à côté de la plaque, il suffit d’attendre un peu, car Underground se trouve sous la plaque… la plaque d’égout… vers quelque chose d’inédit. Le film est unique.
L’absurde côtoie le tragique, l’extravagance se mélange au réalisme. Si le propos est historique, il en demeure avant tout débordant d’énergie.
J’adore les œuvres qui mélangent les genres ; c’est ici fait à la perfection. Les passages d’une scène comique à une scène tragique sont nombreux, mais mieux encore, il arrive souvent qu’une même scène soit composée de plusieurs genres. Si cela retire de la gravité à certaines scènes, cela permet avant tout de donner au film sa propre ambiance, son propre univers, ses propres codes.
Une scène remarquable au cours du métrage vient appuyer cette idée. La partition originale laisse place à une musique plus connue et un personnage du film vient trouver sa place dans des images d’archive historique.
De plus, une mise en abyme flagrante se déroule au cours du récit et y devient un moment clef.
Le décalage est constant. Que ce soit entre certaines paroles et actes, entres des idées, des personnages, des scènes, il est toujours savoureux.
J’adore quand des personnages se perdent de vue pour mieux se retrouver. Encore une fois, c’est le genre d’évènements que l’on rencontre dans Underground, et c’est toujours fait d’une manière réjouissante ou remarquable.
J’adore quand des moments d’une beauté insoupçonnée surgissent pour nous faire planer un instant.
J’adore quand le second plan reste toujours vivant.
J’adore quand on voudrait agir selon nos envies, mais que l’on reprend conscience de notre état de spectateur.
J’adore les métaphores qui embellissent n’importe quel moment.
J’adore ce film.
Il va tellement loin dans sa démarche, part dans tous les sens, prend des chemins tellement inattendus, qu’au moment où l’on se dit que seul le burlesque nous attend, la tragédie nous frappe alors de plus belle. C’est ainsi qu’une scène destinée et cruelle peut apparaitre et nous hanter.
Histoire d’un pays.
Histoire de personnages.
Histoire d’amour et d’amitié, de confiance et de mensonge, de guerre et de paix, de choix et de conséquences, il n’y a pas à creuser longtemps : Underground est un chef d’œuvre.
Shagrim m’a recommandé ce film il y a plus d’un an, je l’en remercie encore. À mon tour, j’aimerais vous recommander de vous lancer dans l’univers fou d’Emir Kusturica. Si la durée d’Underground vous fait peur, essayez donc « Chat noir, chat blanc », un autre grand film, encore plus délirant, mais moins sublime.
Ce mot clôturerait parfaitement mes pensées.
Sublime.