"La guerre n'est la guerre que lorsque le frère agresse le frère."

Bien des critiques ont déjà dû être faites sur ce film et la mienne n'apportera certainement pas un éclairage révolutionnaire, néanmoins si quelques uns lisent cette critique se trouvant être dans le même cas que moi il y a quelques heures et ne l'ayant pas encore vu, je me dois d'avertir que cette critique contient des spoils.


SPOILS INSIDE


Voilà, c'est fait.


Blacky et Marko sont deux amis, comme des frères, ivres contre vents et marées, d'alcool(s), de plaisir(s) ou de passion(s) politique, selon l'heure du jour. Lorsqu'en 1941 les Allemands envahissent la Yougoslavie, les deux communistes, bras dessus, bras dessous, font partie de la résistance et des partisans de Tito, attendu comme le Messie.
Mais aux jeux du pouvoir, l'amitié résiste peu, et pour peu qu'une jolie fille soit la récompense, tous les coups sont permis.


Underground, c'est un film sur un pays, la Yougoslavie, saignée aux quatre veines par les guerres qui s'y succèdent, par les dirigeants qui l'exsanguent, par son peuple qui se déchire.
Kusturica utilise la métaphore et la folie pour mieux rendre la dislocation de ce pays si cher à son cœur.
À la libération, en1945, un groupe reste vivre sous terre, Underground, pendant vingt ans, le temps d'un régime totalitaire appelé de leurs vœux, qui les berce d'illusions et leur maintient la tête sous l'eau. pas le temps de se remettre d'une guerre qu'on vit dans la peur constante et la soumission, jusqu'à ce que "le frère agresse le frère".


Underground, c'est une réflexion sur l'art, plus beau que la vie, plus intéressant à regarder. L'art qui transcende la douleur et est synonyme de liberté.
Quand Kusturica filme une pièce de théâtre, où tout, des acteurs aux spectateurs, est codifié, rigide, et que ses deux héros viennent y distiller leur folie, leur liberté et leur soif de vivre, le message est clair : rien de tout ceci n'est réel, et par conséquent, tout y est permis.
La réflexion artistique porte aussi sur ce que l'art peut apprendre à la vie, comme lorsque Marko, metteur en scène machiavélique sans caméra ni scène de théâtre, dit à son actrice de femme : "il n'y a pas de vérité, tu es la vérité,tu es payée pour incarner la vérité." Et en effet le temps d'un film, de trois heures, la vérité que nous connaissons ne fait pas le poids face à celle des personnages. Pour le prouver, Kusturica confronte ses héros de fiction à leurs doubles, rencontrés sur un plateau de cinéma, joués par les mêmes acteurs, et là pour les incarner. Un acteur qui incarne un acteur qui incarne un personnage. Lequel est le plus vrai? Force est de constater que ceux qui nous apparaissent les plus réels sont les personnages, et non pas les acteurs, personnages eux aussi. Je suis, vous êtes, un personnage. Où donc est la vérité? Y a t-il seulement une vérité?
Les personnages s'y perdent et nous sommes invités à le faire avec eux : parfois il vaut mieux vivre un rêve éveillé que de constater l'amertume des choses.


Parfois c'est au contraire la beauté du rêve et sa poésie qui mettent en exergue la cruauté de l'Histoire et la folie des Hommes.
Dès la première séquence et l'entrée en fanfare des deux héros, le ton est donné, tout sera dingue, une poésie slave, chaotique et foisonneuse nous guidera tout au long du récit.
Le lyrisme du zoo réduit en cendres parle de rêves détruits, le chant partisan, d'ordinaire évoqué comme l'un des symptômes majeur de l'endoctrinement, devient ici chant d'espoir et rappelle ainsi mieux ce qui maintient le mieux un gouvernement dictatorial en place : son peuple.
Deux personnages sont particulièrement réceptacles de poésie : Ivan, bègue, boiteux, naif, pacifiste, aimant, prêt à parcourir l'Europe entière pour retrouver son singe, figure de l'innocence et de son désespoir ; et Jovan, né Underground et qui, à 20 ans seulement, découvrira ce que sont la lune, le soleil, la mer, la nature. Jovan qui s'exclamera "ce que le monde est beau! Félicitations!" Oui, il comprend qu'on veuille se battre pour un pays pareil mais lui préfèrera " retourner dans sa cave." Il préfère l'ombre à la lumière, l'ignorance au savoir, parce qu'au fond, heureux les imbéciles.


A quoi bon s'entretuer?
.

Créée

le 23 févr. 2014

Modifiée

le 23 févr. 2014

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EIA

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