Aurore (Jasmine Trinca) est pianiste. C’est une jeune femme charmante mais fragile, capable de s’écrouler après un concert. Ebranlée par la mort de son père, elle cesse de jouer. Malheureusement, elle ne sait rien faire d’autre, alors elle dépérit sous l’œil consterné de son frère Paul (Stéphane Freiss).

La maison du père étant vendue, le frère et la sœur la vident de ses souvenirs. Un peu plus tôt, Jasmine y a habité l’âme en peine, soutenue par une bienveillante et souriante domestique (Ariane Ascaride) et incitée par Paul à reprendre le piano.

Venu installer un système de sécurité dans la villa, un homme attire l’attention d’Aurore, c’est Jean (Joey Starr). Pourquoi cette soudaine attirance ? Allez savoir. L’attirance étant réciproque, Jean refait quelques apparitions inopinées à la villa sous divers prétextes. Pour résumer, il lui proposerait bien si besoin était, un deuxième système d’alarme, gratis cette fois.

Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si Jean n’était pas déjà pris par la belle Dolorès (Virginie Ledoyen) avec qui il a grandi. Dolorès est vendeuse dans un magasin de chaussures. Avec Jean électricien ils forment un couple de niveau socio-culturel nettement inférieur à celui d’Aurore. Mais Dolorès n’est pas que très féminine, elle a plus d’un tour dans son sac. Elle comprend ce qui se passe entre Aurore et son homme. La présence de Jean donne à Aurore l’envie de reprendre le piano. Bien que sous le charme, Jean est déboussolé car il ne connait rien à la musique classique. Un aveu qui fait sourire dans la bouche de Joey Starr le rappeur. Et, paradoxalement, ce talent qui charme Jean pourrait éloigner Aurore.

Le choix de Joey Starr pour le rôle ? Le prénom du personnage fait bien sentir qu’il n’a pas été écrit pour lui. Autant dire que le scénario ne ressemble que d’assez loin à ce qu’Emmanuel Mouret a montré auparavant. On y retrouve néanmoins la sensibilité du grand timide qu’il reconnaît être. A ce titre, on peut dire que la prestation de Joey Starr est parfaitement adaptée, il se montre d’une grande délicatesse et son visage marqué traduit parfaitement les émotions du personnage. A en croire Emmanuel Mouret, il ne trouvait personne pour le rôle, raison pour laquelle le projet était resté en suspens environ 7 ans (de réflexion ?) Le choix de Joey Starr s’étant imposé naturellement (après tout, pourquoi pas), le film a pu se faire.

Emmanuel Mouret ne cherche jamais à faire croire au spectateur que cet amour impossible peut perdurer. Et il reconnaît être nourri de cinéma classique, en particulier des années 30 aux années 50. S’il évoque un discret hommage à l’un de ses maîtres (Eric Rohmer) en ayant donné un petit rôle à Bernard Verley (acteur principal de « L’amour l’après-midi »), je considère que de nombreux éléments du film lorgnent du côté du mélodrame classique illustré par Douglas Sirk. La question est de savoir si le film soutient la comparaison. A mon avis, de deux choses l’une. Soit vous connaissez le cinéma de Sirk et vous y verrez des résonnances plus ou moins heureuses. Soit vous vous intéressez avant tout à Emmanuel Mouret et vous risquez d’être surpris car il ne s’est réservé aucun rôle et le film n’est pas dans le registre de la comédie sentimentale qu’il affectionne.

Finalement, le questionnement dans lequel Emmanuel Mouret se reconnaît se résume ainsi : comment vivre ensemble en restant civilisés ? Très bien. Malheureusement, si le film ne démérite pas, je trouve qu’il manque d’originalité. Les éléments du mélodrame sonnent comme autant de domaines déjà explorés. La photographie en couleurs naturelles est très belle, mettant bien en valeur des sites comme Hyères et la presqu’île de Gien. La présence de l’élément liquide sous la forme d’une mer aux belles couleurs mais légèrement agitée souligne les incertitudes de l’âme humaine ainsi que les fluctuations du destin. Dans un rôle secondaire, Virginie Ledoyen fait merveille. Mais trop de scènes se succèdent sans véritable liant et le réalisateur refuse la narration chronologique sans que cela apporte grand-chose. Le vrai point positif vient de Jasmine Trinca dont le physique fait merveille. Elle est mince, élancée, un visage lumineux dont le regard inquiète dans ses moments de désespoir. Tout en elle justifie le film, sa grâce, son élégance, sa classe naturelle et son délicieux accent italien. Allez un pari : à cette heure, la larme à l’œil, Jasmine trinque à sa réussite faisant d’elle la nouvelle star du grand écran, justifiant le choix d’Emmanuel Mouret.
Electron
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le 22 janv. 2014

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