Ce film fait partie de mon "rattrapage culturel" version "Un Genre = Un Film."
Scénario :
James Mason tombe sur Judy Garland un jour où il est complètement bourré. Il lui dit "ma ptite, t'as une choli voix... hips... je vais faire de toi une staaaarrr." Et BIM, coup de pot, il fait d'elle une star ! Et c'est une fois marié à elle, après deux heures de film, qu'il commence à désaouler. Grave !
En tant que sujet d'étude :
"Une étoile est née " est le film que j'avais choisit pour étudier "le film hollywoodien qui parle d'hollywood" : parce que les réalisateurs aiment beaucoup la mise en abyme, et que des décors de cinéma, ça reste quand même le truc le plus facile à filmer quand t'es à Hollywood. Pourtant, quand on décortique sa fabrication, c'est plus un "gros concours de circonstances ironiques" qu'une mise en abyme. Je m'explique.
IRONIE N°1 : JUDY GARLAND :
Ce remake d'un film sortit 17 ans auparavant fut créé spécialement pour relancer la carrière alors déclinante de Judy Garland. L'histoire raconte comment une jeune chanteuse est repérée par Norman Maine, un acteur alcoolique et gravit petit à petit les échelons pour devenir une star : d'abord perdue dans des petits rôles de figuration, elle comprend au fur et à mesure les codes. Toutefois, arrivée au pinacle de sa carrière, c'est Norman, l'acteur qui l'a fait découvrir, qui sombre petit à petit dans un alcoolisme et dans des frasques qui effrayent le public et les producteurs.
Or, il faut savoir que durant le tournage, la star alcoolique, c'était Judy Garland : imbuvable, dépressive, perpétuellement shooté, elle avait été virée de la MGM. Malgré le nom de George Cuckor, un grand nombre de vedette avaient refusés le rôle de Norman Maine avant que James Mason n'accepte.
Du coup nous avons un film où un acteur professionnel et passionné* qui joue les alcooliques ingérable, tandis que l'actrice alcoolique et ingérable joue la personne pure et investie par le monde du cinéma. Et ce qui est dingue, c'est que non seulement, ils le font sans soucis, mais ça rajoute de la force au film.
En effet, parce que malgré une affiche qui semble représenter une Judy Garland toute fraîche et pimpante sortie tout droit du Magicien d'Oz, en réalité, dans le film, celle-ci parait légèrement plus vieille que ses 32 ans, sans parler de ses problèmes de poids durant le tournage (interminable à ce que j'en ai lu) et d'une coupe à la garçonne qui la vieillit (la faisant parfois ressembler à sa fille, Liza Minnelli.) Mais du coup, cela donne plus de poids à sa principale qualité : c'est une chanteuse extrêmement doué. Elle a un timbre de voix inimitable et le film va beaucoup mettre l'accent dessus avec des airs où elle est la principale chanteuse. Et ça fait du bien de voir que le talent qu'on lui attribue dans le film est le talent qui apparaît à l'écran.
De plus cela donne l'impression de moins voir le cas d'une provinciale tout juste débarqué de l'arrière du camion où elle est née et plongée à Hollywood, mais plus de voir une personne qui en a chié pour arriver où elle en est. Lorsque Norman Maine lui dit de plaquer l'orchestre de jazz où elle se produit pour se lancer dans le métier d'actrice, elle est réticente, disant qu'elle a déjà bossée dur pour se faire une place dans la musique. Et on la croit parce qu'elle est vraiment touchante dans les moments banals et les passages tristes où son visage de beauté ordinaire nous rapproche d'autant plus d'elle.
D'ailleurs, par un jeu de mise en abyme supplémentaire, le film qui fera d'elle une star est l'histoire d'une provinciale tout juste débarqué de l'arrière du camion où elle est née et plongée à Hollywood. Et qui passe différentes épreuves (très différentes de ce qu'elle a connue) pour devenir une star. Le tout dans un décors hollywoodien de carton-pâte. (Si vous cherchez une mise en abyme plus poussée, faut limite aller voir le clip Bachelorette de Bjork et Gondry.) Et c'est en cela que Cuckor est bon puisqu'il propose un miroir et une critique de son propre film au sein de celui-ci.
Ce qui est doublement ironique, parce que toutes ces épreuves ne sont pas celle qu'a connue Judy Garland. Elle est née de parents qui étaient déjà dans le show-business, se produisait dans des numéros depuis l'age de 10 ans, était actrice de cinéma à 13 ans et star à 17 ans. Du coup, cela accentue l'idée que le film montre lui aussi une vision idéalisée d'Hollywood, mais aussi que Garland est une super actrice qui donne vie à un personnage différent d'elle.
IRONIE N°2 : LES OSCARS :
Alors que Judy Garland remonte sur les planche alors qu'on la disait finit, qu'elle montre qu'elle en a encore dans le bide, l'Oscar de la meilleure actrice ira à..... Grace Kelly. Pour son rôle dans "Une fille de la province" un film où..... "Un metteur en scène de Broadway tente de permettre à un chanteur-acteur, qui a sombré dans l'alcoolisme, de remonter sur scène"
Je ne sais pas si vous sentez les couches d'ironies qui se collent les unes sur les autres ? Toujours est-il que pour en rajouter une, dans "Une étoile est née", le personnage joué par Judy Garland.... reçoit un Oscar (lors d'une cérémonie où le mot "service d'ordre" ne semblait pas exister au passage.)
Du coup, pour ceux qui n'ont pas suivis, je vous le résume : On a donc, une actrice alcoolique et dépressive qui n'a pas l'Oscar après avoir joué un rôle d'actrice sobre qui gagne l'Oscar et une actrice sobre** qui gagne l'Oscar après avoir joué dans un film sur l'alcoolisme et la dépression dans le monde des acteurs !
Tout-le-monde était persuadé que Garland aurait l'Oscar au point de mettre des caméras dans la chambre d'hôpital où elle venait d'accoucher pour avoir sa réaction en direct. Groucho Marx lui même dira qu'il s'agit "du plus gros hold up de l'histoire depuis celui de la Brinks." Après ça, peiné d'avoir perdue... Judith Garland replongera dans l'alcoolisme (parce qu'on est plus à une couche d'ironie près...)
Mon avis personnel :
J'ai globalement aimé, même si ....
IRONIE N°3 : JE TROUVE QUE LES PRODUCTEURS N'AVAIENT PAS TORT :
En effet, le film, qui s'étale sur près de 3 heures, fut amputé d'environ 90 minutes, ce qui fait que si mes calculs sont bons, c'est prêt de la moitié qui est partie à la poubelle. Or, depuis sa ressortie dans les années 80, les versions DVD nous montrent la version intégrale du film, telle que voulue par George Cuckor, avec notamment toute une partie recréée à partir de photos du tournage et de la bande son. (Un peu comme les épisodes disparus de Doctor Who.)
Or, je me suis ennuyé devant le visionnage de cette version longue tant elle offre des moments assez peu exaltant et parfois même carrément redondant (toute l'intrigue dont les bobines sont perdues est, il faut dire, assez dispensable.) Alors, certes, après visionnage, j'ai appris qu'ils avaient coupés des passages géniaux (la demande en mariage...) mais au fond, on s'aperçoit que le film est bien plus intéressant sur sa seconde partie que la première et qu'effectivement, si le film a connu un succès, c'est aussi parce que des producteurs on sut s'adresser au large public en proposant une version plus condensée qui abrège un peu le début
Je trouve effectivement que "Une étoile est née" plus intéressant lorsqu'il parle d'une étoile qui décline. (Et BAM, nouvelle couche ironique.)
IRONIE N°4 : MON TIMING PERSONNEL :
En effet, je me suis mis à regarder ce film dimanche soir, vers une heure du matin, alors que ma timeline sur Twitter était en effervescence pour regarder la cérémonie des Oscars. Moi, je m'en foutais des Oscars, tout le monde disait que La la land allait gagner alors que je l'avais pas vu. Et le lendemain j'apprends qu'à cause d'une histoire d'enveloppe, on a cru un instant que La La Land allait gagner alors que c'est Moonlight qui avait le prix.
Donc, j'ai préféré regarder une comédie musicale qui a autrefois perdu aux oscars face à un film dramatique au lieu de regarder les Oscars et y voir une comédie musicale être battu par un film dramatique.
Ok, j'arrête avec les couches d'ironies, ça me fait mal au crâne.
- Ceci dit, j'ignore si James Mason était porté sur la boisson ou pas. Les recherches wikipédia montre bien plus un type passionné par l'art (et Buster Keaton) objecteur de conscience durant la WW II avec une filmographie impressionnante !
** Idem pour Grace Kelly qui était plus mauvaise conductrice qu'ivrogne.