Comme beaucoup de personnes qui jusqu'ici ne se sont pas vraiment intéressées à elle, j'ai une image assez antipathique de Christine Angot. Celle d'une femme acerbe, qui allume les invités de l'infâme émission de Ruquier "On n'est pas couchés". J'ai également en tête le vague souvenir d'un échange très violent avec Sandrine Rousseau.
Et puis, récemment, je lis "Triste Tigre" de Neige Sinno, je regarde "Un amour Impossible" de Catherine Corsini, ce qui éveille ma curiosité quant au travail de Christine Angot.
J'entends parler du documentaire "Une famille", notamment par le biais d'une interview d'Augustin Trapenard où l'on peut voir une Christine Angot brisée, qui évoque la honte relative à ce qu'elle a vécu (violée durant une partie de son adolescence, par son père).
Je suis donc allée voir ce documentaire, hier soir.
Il traite du besoin viscéral pour Christine Angot de parler, de confronter, d'échanger avec ses proches, de l'horreur vécue. Il est question ici de mettre en lumière la résonance de ce drame, pour tous les membres de la famille.
On peut donc suivre Christine Angot à Strasbourg, ville où les viols ont eu lieu, aller confronter sa belle-mère, qui n'aura de cesse de ramener le sujet à une dimension "personnelle" : "c'est ta version des faits, et l'autre partie ne pouvait pas répondre".
Elle évoquera également ce drame avec son ex-mari, qui a été témoin d'un énième viol qu'elle a subi de son père.
L'échange avec sa mère, où il est question "d'inversion des rôles" dans la protection ("c'est elle qui m'a protégée"), est absolument bouleversant.
Le documentaire se termine par une discussion avec sa fille : Léonore indique que même en n'ayant pas vécu les viols, ce sujet est profondément inscrit en elle. Il est tellement présent dans son histoire qu'elle a tendance à oublier que l'inceste peut ne pas exister pour d'autres personnes. Je ne peux m'empêcher de penser aux conséquences du poids de cette histoire sur le développement de cette jeune femme.
Et c'est en même temps cette nécessaire parole, cette connaissance et communication du drame, cette empathie profonde qu'a la fille pour sa mère, qui lui permettront de lui offrir la reconnaissance qu'elle n'a jamais eue auparavant : "je suis désolée qu'il te soit arrivé ça". La reconnaissance de l'autre comme rupture de la solitude.
Je suis sortie bouleversée et lessivée de cette séance de cinéma.
Ce documentaire est une oeuvre nécessaire pour comprendre l'une des dynamiques fondamentales qui constitue l'inceste.