En choisissant Une famille syrienne pour traduire Insyriated, les producteurs français donnent l'occasion aux critiques de se rapprocher de l'oeuvre originale bien plus qu'ils ne l'ont fait. Car Insyriated, à l'origine, c'est bien un néologisme anglais censé nous transporter dans le chaos de Damas, dans le chaos d'un appartement au milieu de la guerre.
Une famille syrienne, ce n'est pas l'histoire généralisée de toutes les familles syriennes, ce n'est même pas l'histoire d'une structure familiale à proprement parlé. Si une famille se distingue bien, du grand-père au benjamin, en passant par le cousin adolescent, l'histoire est celle de plusieurs personnes regroupées, recluses, enracinées ici par les contraintes de la guerre.
Immédiatement, on entre dans l'intimité d'un huis clos, par la routine d'un matin, par la lenteur de gestes vitaux, par la lourdeur des sentiments. C'est un huis clos éprouvant autour d'une mère de famille (Hiam Abbass) qui ne veut pas céder, qui ne veut pas partir, qui ne veut pas laisser les événements dévoiler ses failles. De l'extérieur, elle force l'admiration, de l'intérieur, elle fléchit peu à peu au contact des siens, et surtout au contact de cette voisine (Diamand Bou Abboud) accueillie avec son enfant. Car c'est cette dernière, qui, dans une scène dure, brutale, et longue va remettre totalement en cause ce qu'on croyait de la mère, mais ce qu'on peut aussi penser de nous-mêmes.
Une famille syrienne ne raconte pas grand-chose, et, parfois, interpelle même par l'étrangeté des comportements que la promiscuité ne saurait peut-être pas expliquer à elle-seule. Mais il prend aux tripes en s'évertuant à conter l'horreur avec pudeur et sobriété, en évitant le pathos et en privilégiant la concision. C'est ce qui rend l'oeuvre à la fois vide, et intense. En enchaînant les petits riens de lutte autour d'un grand tout de soumission, en plongeant notre vision confortable dans le quotidien de la guerre, Une famille syrienne réussit à nous faire prendre conscience, le temps d'une séance, que nous ne serons jamais prêts à supporter l'ignoble, et que nous sommes plutôt heureux d'être Enfrancisés.
Note : 7,5/10