Wake in fight
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Allemagne, début des années 1970. Une bande d'éditeurs, de journalistes et d'apprentis cinéastes, des membres reconnus de la jeune élite intellectuelle rêvent de changer l'Allemagne grâce à la culture, à la réflexion intellectuelle, à l'action sociale. En 1972 ils commettent une série de 5 attentats sanglants. En juin 1972 ils sont arrêtés au cours d'un assaut armé retransmis à la télévision. Pendant les années qui suivent, ils se "suicident" tour à tour dans leurs cellules.
Comment passe-t-on de la défense d'un idéal sociétal au terrorisme de la RAF ? Comme passe-t-on de personnage public à ennemie public numéro 1 ? Comment le futur de l'Allemagne a fini une balle dans la tête au milieu d'une cellule ?
Pour y répondre Jean-Gabriel Périot utilise le matériel de l'époque, des images d'archives allemandes, de journaux, d'émissions, de débats télévisés et celles d'interviews, de courts métrages, de téléfilms tournés par les membres de l'organisation. De manière brute et chronologique, sans voix off et sans légende, nous permettant de revivre cette époque passée au présent. Des images d'archives qui retracent surtout l'avant, suivent leur parcours, leur évolution et les actes fondateurs, la suite d'événements qui vont les faire basculer dans le terrorisme, puis le pendant, utilisant la totalité des images allemandes toujours existantes, 2 petites minutes pour des attentats qui ont fait le tour du monde. Auscultant donc toute leur période d'entrainement militaire et de vie clandestine.
On découvre des intellectuels aux succès très relatifs, à l'exception de Meinhof qui écume les plateaux TV, qui échouent dans tous ce qu'ils tentent et qui se rendent compte de l'inefficacité de leurs cours métrages, de leurs tracts politiques, de leurs articles, de leurs interventions télévisés, de leurs manifestations, de leurs discours politiques. Que ce n'est pas avec leurs films et leurs écrits qu'ils vont répandre leurs idées, propager la parole révolutionnaire, transformer l'Allemagne.
On découvre une dérive sécuritaire étatisée, une violente réponse policière face à une jeunesse muselée, sans échappatoire, sans moyen de s'exprimer, qui ne se retrouve plus dans les figures d'autorités, qui questionne les actes de la génération précédente avec laquelle toute communication est rompue, qui n'a plus confiance en une société dont la dénazification a été bafouée.
On découvre des conditions de détentions contraires aux lois en vigueur, décrit comme une torture de l'isolement par ceux qui les vivent, des mesures régressives mises en places pour leur faire payer le prix fort, des simulacres de procès où la défense, accusés comme avocats, n'a pas le droit de parole, et des passants qui réclament leurs morts sans aucune forme de procès préalable. Illustration parfaite d'un régime qui bafoue les principes les plus élémentaires de la démocratie au nom de cette même démocratie pendant que le peuple fait dans la surenchère.
On découvre le traitement médiatique de leur glissement progressif vers la violence politique puis de leurs actions en tant que groupe armé. Les médias, presse, radio comme TV sont majoritairement contrôlés par le même groupe et la couverture des événements est orientée pour faire passer un message uniformisé, une vision unilatérale, un discours gouvernemental inflexible. Ou comment le passage à l'action violente exclue le discours du groupe de tout espace médiatique, le transformant irrémédiablement en un ennemi barbare sans parole.
On découvre l'évolution de cette couverture médiatique où les débats et l'analyse laisse place à l'information en direct, l'information sensationnelle, l'information du choc des images, symbolisée par cette scène d'arrestation, cet assaut armé, retransmis à la télévision où l'on croirait revoir une scène musclée de The French Connection.
Ce montage d'images passées, malgré l'absence complète de contextualisation et même si le choix de n'inclure aucune analyse peut porter à débat, prend un écho particulier dans notre société. Une société où le fossé générationnel ne cesse de se creuser, où la confiance vis à vis de l'appareil étatique est au plus bas, où le traitement de l'information s'évalue au nombre de clic et où l'on accuse plutôt que de chercher les causes profondes.
Créée
le 16 oct. 2015
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