Still better than any love stories, even The Bridges of Madison County
La subtilité n'est pas la qualité majeure des films d'amour. Alors quand on tombe sur un film qui a la délicatesse de ne pas prendre les gens pour des imbéciles, c'est l'extase. C'est le cas d'Une journée particulière, qui met en scène l'une des plus belles et des plus intelligentes romances de l'histoire du cinéma.
Le film s'ouvre sur des images d'archive, qui affichent bien le contexte historique : d'un côté, l'Italie fasciste de Mussolini, de l'autre l'Allemagne nazie d'Hitler. Lorsque ce dernier se rend à Rome, la ville entière est en ébullition. Le défilé qui se profile est un événement à ne pas rater et bien malheureux seront ceux qui n'y assisteront pas.
Une fois la situation bien posée, nos regards se rivent vers cet immeuble mussolinien, véritable théâtre des événements à venir. Première chose qui frappe : la colorimétrie. Le sépia est de mise ici, donnant un certain cachet esthétique au film. Seuls les drapeaux tranchent par leurs couleurs vives, comme si ce fameux défilé représentait bien plus qu'un événement idéologique, comme s'il symbolisait une rupture dans la vie monotone des Romains. Deuxième élément percutant : la radio, omniprésente et qui ne cesse de ramener la petite histoire vers la Grande. L'usage dont en a fait Scola est admirablement bien pensé : je l'ai dit, elle ne cesse de cracher l'évolution du défilé et pourtant, elle réussit à se faire oublier avant de s'imposer à nouveau, de manière plus dramatique.
Mais venons-en au coeur du film. Une journée particulière raconte une histoire d'amour improbable, celle d'Antonietta (Sophia Lauren) et de Gabriele (Marcello Mastroianni). Elle est une femme négligée, mère d'une famille nombreuse, une fille du peuple peu cultivée, qui croit aveuglément aux aphorismes du Duce et aux valeurs du fascisme. Lui est un intellectuel homosexuel, ancien chroniqueur radio renvoyé à cause de son orientation sexuelle, bête noire du système car n'adhérant pas à ses critères. Ces deux êtres se rencontrent sur un seul et unique point : leur solitude. Et seul leur solitude leur permettra de dépasser, le temps d'une journée, toutes leurs divergences, avant que l'Histoire, dont ils s'étaient isolés, ne vienne les rattraper.
Une journée particulière a la sobriété du théâtre classique. Je ne dis pas seulement cela à cause de sa temporalité, mais aussi à cause du traitement de la romance. Point d'effusions à la Hollywood. Les quelques baisers échangés durant le film sont extrêmement simples, et pourtant infiniment touchants. La scène d'amour en est d'ailleurs l'exemple le plus flagrant et est sûrement la plus sublime qu'il m'ait été donné de voir. Pour le coup, le duo Lauren/Mastroianni a réussi à mêler pudeur et puissance du sentiment amoureux. Et le résultat est juste magique.