La rencontre est un territoire dramatique fécond : c’est une dilatation du temps, une parenthèse où l’espace entre en osmose avec des êtres qui ne vivent plus que pour l’émotion de l’instant, et la disponibilité offerte à l’autre. Le cinéma a évidemment exploré cette faille, que ce soit dans le mythique Before Sunrise de Richard Linklater, ou dans le moins connu mais tout aussi recommandable Temps de l’aventure de Jérôme Bonnell. C’est donc au tour d’Alex Lutz de s’y frotter, deuxième réalisation après le remarqué - et remarquable - Guy en 2018.
Une nuit retrace la rencontre de deux quadras commençant par s’engueuler dans le métro avant de coucher brusquement ensemble dans un photomaton, prélude à une nuit blanche d’errance, de théâtre en cirque, en passant par une soirée ou une boite échangiste. La distance, par prudence, est maintenue – le vouvoiement reste de rigueur -, et l’on devise à bâton rompu sur la vie, qui se voit déjà comme un bilan à regarder dans le rétroviseur, tandis les inconnues à venir suscite plutôt l’inquiétude.
Karin Viard et Alex Lutz sont particulièrement à l’aise dans des échanges qu’ils ont co-écrit, et dans lesquels ils explorent une vision du couple qu’on voit finalement peu, les comédiens chevronnés étant condamnés, dixit Lutz lui-même, à jouer avec des femmes ayant 25 ans de moins qu’eux.
Si le récit patine un peu par moments dans l’errance et quelques échanges un peu trop didactiques dans la psychologie conjugale, l’authenticité reste le plus souvent de mise, et la poésie d’une capitale désertée la nuit (un magasin de meubles, un XVIème muséifié, des arcanes du monde de la nuit) fait son effet, accompagnant une euphorie qui se teinte régulièrement d’une mélancolie assez énigmatique.
Le dénouement nous révélera ce qui pouvait assez aisément se supposer, à savoir que le couple en question ne s’est pas rencontré cette nuit-là, mais se livrait à un jeu de rôle. Le twist en lui-même n’a pas grand intérêt, si ce n’est dans ce qu’il ajoute sur la situation de la femme, qu’on sait condamnée par la maladie : dès lors, la teneur des échanges prend une autre ampleur, et cette variation sur le « comment te dire adieu » forme une sorte de victoire contre la fatalité : à jouer les jeunes premiers et s’octroyer une parenthèse permissive, les deux fugitifs irriguent d’amour et de partage ce qui aurait pu se résumer à une prostration face à la fatalité.
(6.5/10)